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Paroles de la chanson «Le Procès» par Tri Yann


Acte 2 : Le Procès

Le procès de Guillaume Seznec à Quimper du 24 octobre au 4 novembre 1924 :

Ecoutez jeunes gens,
Vous aussi vieilles gens ;
C'est d'un Cornouaillais le procès,
Maître de scierie de Morlaix.
Est-il une victime ?
Est-il auteur d'un crime ?
Est-il honnête, est-il un tueur ?
Mais qu'est devenu Quémeneur ?

Soldats casqués dedans Quimper,
La foule rue de Pen ar Steir,
Seznec descend mains dans les poches,
- Sale impression, que ça fait moche
De n'être pourtant cette allure
Ni orgueil ni désinvolture,
Mais c'est la honte de deux menottes
Qui le rattachent à son escorte.

Haine injures et colère
Sur les quais de Quimper,
Et foule le long de l'Odet
Et foule aux marches du palais.
Haine frissons colère,
Pères fils filles et mères,
En foule serrée sur les quais
Et dans les couloirs du palais.

la salle d'audience est survoltée.
"Gardes faites entrer l'accusé !"
Costume bleu un petit trop neuf,
- Sale impression, pas naturel.
Sombre public et regards durs,
Lambris sombre et dessus les murs,
Tentures bordeaux ; ce tribunal,
Dieu on dirait un vrai catafalque !

Seznec est-il victime ?
Le coupable d'un crime ?
Est-il faussaire, est-il menteur ?
Aurait-il tué Pierre Quémeneur ?
Haine insultes et colère,
Est-il bouc émissaire ?
Est-il un monstre meurtrier
Et l'assassin du Conseiller ?

Dollin du Fresnel président,
Col d'hermines et robe de sang,
Aboie "accusé levez-vous !
Nom prénom âge et profession ?"
" Seznec Joseph Marie Guillaume,
Quarante six ans, marchand de bois."
Et là de prendre un ton bougon,
Fierté blessée - ça fait sale impression.

Le rapport de moralité
Enfonce un peu plus l'accusé :
"Sournois ficelle et puis rusé,
Unanimement détesté."
C'est pas qu'un interrogatoire,
C'est même un vrai réquisitoire,
Sous les coups de sang les coups de dents
De Dollin du Fresnel président.

Une valise au Havre,
Un crime sans cadavre,
Et l'accusé de répéter :
"Au Havre suis jamais allé !"
La machine à écrire,
La machine à détruire ;
Mensonges et rires, ce tribunal,
Dieu sait quel sinistre carnaval.

29 octobre - mercredi,
Les témoins d'être en appétit :
C'est d'abord le frère et la soeur,
Louis et Jenny Quémeneur,
Et Jean Pouliquen le beau-frère,
Il en sait beaucoup, le notaire,
Et comme c'est à lui que le crime profite,
Il y va à la dynamite :

"Seznec a tout monté,
Tout fait, tout combiné."
Pluie vent tempête sur Quimper,
Eclairs dans les yeux du notaire ;
Vent pluie tempête et haine,
Charges de Pouliquen ;
A Quémeneur en sait pourtant
Qu'il devait cent soixante mille francs.

Sur quarante-huit témoins cités
Il y a quarante-trois policiers,
Hier mardi c'était Vidal,
Matois le "beau méridional" ;
Et Bonny qui se prend pour un superflic,
Mais la magouille c'est sa tactique ;
On le retrouvera bientôt
A Paris, chef de la gestapo !

30 octobre - témoin suivant :
Marie-Jeanne qu'il aime tant,
Coiffe blanche, robe noire,
Parapluie à manche d'ivoire,
- Maladroit, ça fait trop riche,
Elle répond sans hésiter,
Défend son homme pied à pied,
Tant qu'elle finit par s'énerver.

De dire et de redire :
"La machine à écrire,
C'est manigance de policiers !"
- Sale impression sur les Jurés,
Ils ne la trouvent pas drôle,
Elle n'est pas dans le rôle,
Ils voudraient la voir effondrée,
Elle est battante et décidée.

Guillaume de voir le lendemain
Sa mère assise dans un coin :
Corps voûté et sous sa coiffe
Visage ridé comme une vieille pomme.
La ses deux mains sur ses genoux,
Guillaume sourit à Marie-Anne
Et des larmes de ses deux yeux
Viennent ses joues mouiller.

Suivent les témoins qui auraient vu
Quémeneur après que disparu.
Le Président de s'acharner
A les tous ridiculiser...
Pour Le Her ce sera plus dur,
Celui-là il est tellement sûr !
Le procès change d'accusé :
Il faut Le Her discréditer.

L'accusation prend peur :
On-dit, bruits et rumeurs,
François Le Her est un gêneur !
Il est démoli sans pudeur.
Ragots repris en choeur,
On en fait un farceur :
"N'a-t-il pas croisé par erreur
un sosie de Quémeneur ?"

2 novembre - le jour des morts :
Les plaidoiries, le corps à corps,
Guillot l'avocat général
Demande la peine capitale !
Puis c'est le tour de Maître Khan.
De plaider avec force et flamme,
Mais pour contrer le président,
Il aurait fallu s'y prendre avant...

Et sans preuve voire sans crime,
Sans aveux sans victime,
Seznec au bagne est condamné,
Par sept des douze Jurés.
Est-il une victime ?
Est-il auteur d'un crime ?
C'est coupable damnation,
Malheur à vous jurés bretons !

__________
Explications données par le groupe :

L'affaire Guillaume Seznec :
(L'affaire en 6 actes : Le voyage - Le procès - L'adieu - Le bagne - La délivrance - Seznec est innocent !)

A l'aube du 25 mai 1923, Guillaume Seznec, maître de scierie à Morlaix et Pierre Quemeneur, Conseiller Général du Finistère quittent Rennes à bord d'une vieille Cadillac, à destination de Paris. Ils espèrent y négocier la vente de la voiture et d'autres récupérées dans les surplus américains de la Première Guerre Mondiale. On les apercevra ensemble devant la gare d'Houdan, vers 22 heures. Quemeneur y-a-t-il pris le train pour Paris ? Seznec rentrera seul à Morlaix le lendemain, le voyage ayant été retardé par trop de pannes. On ne revit jamais Quemeneur. A-t-il été tué ? Mais quand ? Et par qui ? Et pour quel motif ? Dissimulation d'un trafic impensable entre la France et la Russie communiste ? Querelle familiale ? ...

Seznec faisait un coupable idéal pour ceux qui voulaient boucler rapidement ce dossier criminel sans cadavre ni preuve. Au terme d'une enquête très orientée, voire truquée par les policiers, la Cour d'Assises de Quimper condamne Guillaume Seznec aux travaux forcés à perpétuité, la 4 novembre 1924, à une voix de majorité. Les débats se seront déroulés dans un climat passionnel d'une rare violence. Seznec quitte la France pour le bagne de Guyanne le 7 avril 1927. Il y restera 20 ans, ne cessant de clamer son innocence mais refusant obstinément, malgré de terribles conditions de détention, de demander sa grâce : "Il n'y a que les coupables qui demandent pardon..."

Une campagne va se développer en Bretagne pour la réhabilitation du condamné, menée par sa femme, sa mère, puis sa fille, soutenue par le journaliste Emile Petitcolas, le juge Victor Hervé, Françoise Bosser de la Ligue des Droits de l'Homme et bien
d'autres. En 1934, six des jurés de Quimper regretteront leur verdict et demanderont en vain la révision du procès. Lentement, l'opinion publique se retournera en faveur du bagnard qui sera enfin gracié le 2 février 1946 par le Général de Gaulle. De retour en France, Guillaume Seznec est renversé le 14 novembre 1953 par une camionnette dont le conducteur prendra la fuite. Il mourra trois mois plus tard, des suite de "l'accident".

Pendant des années, son petit-fils Denis va refaire l'enquête, rechercher des témoins et des documents, rouvrir des dossiers officiels, susciter de nouvelles expertises et démonter la machination dont fut victime son grand-père. Une requête en révision est déposée à la Chancellerie ; elle porte le numéro 001 et l'on saura dans peu de temps si la justice française est enfin capable de revenir sur "la chose jugée" en acceptant pour la première fois de son histoire la révision d'un procès d'Assises, ce que permet désormais la loi Seznec votée le 23 juin 1989 à l'unanimité des Députés et Sénateurs.

Il faut lire "NOUS LES SEZNEC" -Editions Robert Laffont (1992)- , un témoignage bouleversant, passionné et sans haine de Denis Seznec, dédié "à Guillaume et Marie-Jeanne, à leur petite Jeannette, ma mère, à ma famille pour qu'elle pardonne et aux français pour qu'ils n'oublient pas".

 
Publié par 75146 4 4 7 le 23 mars 2023 à 6h52.
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