Un Envoyé du Grand Seigneur
Préférait, dit l'Histoire, un jour chez l'Empereur,
Les forces de son Maître à celles de l'Empire.
Un Allemand se mit à dire:
Notre prince a des dépendants
Qui de leur chef sont si puissants
Que chacun d'eux pourrait soudoyer une armée.
Le Chiaoux, homme de sens,
Lui dit: Je sais par renommée
Ce que chaque Électeur peut de monde fournir;
Et cela me fait souvenir
D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie.
J'étais en un lieu sûr, lorsque je vis passer
Les cent têtes d'une Hydre au travers d'une haie.
Mon sang commence à se glacer;
Et je crois qu'à moins on s'effraie.
Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal.
Jamais le corps de l'animal
Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture.
Je rêvais à cette aventure,
Quand un autre Dragon, qui n'avait qu'un seul chef
Et bien plus d'une queue, à passer se présente.
Me voilà saisi derechef
D'étonnement et d'épouvante.
Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi.
Rien ne les empêcha ; l'un fit chemin à l'autre.
Je soutiens qu'il en est ainsi
De votre Empereur et du nôtre.
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L'inspiration est venue à Jean de La Fontaine à la lecture du recueil Le Chasse-ennuy de Louis Garon (1600). Le texte était destiné à montrer la désunion des princes chrétiens (une bête avec beaucoup de têtes et de queues, qui ne parvenait pas à traverser une haie parce que les têtes cherchaient chacune un trou à part, et de ce fait était bloquée) et la puissance des Turcs, unis (une bête à une seule tête et plusieurs queues qui passait partout lorsque l'animal fourrait sa tête par un trou ).
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