Quand la musique entra chez moi — que nul ne s’étonne —
J’avais, ça m’arrive parfois, le cœur à l’automne.
C’était un air en demi-teinte,
Mi-joie et moitié plainte.
Je lui ai dit : «Le temps est fou,
Le vent du dehors vous chiffonne.
Etendez-vous donc sur mon magnétophone
Et reposez-vous.»
Je n’avais ouï de longtemps musique pareille.
Je n’en croyais en l’écoutant mes grandes oreilles.
Elle me dit : «J’ai quitté mon maître,
Un saut par la fenêtre.
Il me gardait depuis cinq ans
En me promettant des paroles.
J’étais nue et nue ça n’est pas toujours drôle.
J’ai foutu le camp.»
Moi qui suis un peu parolier, jugez de l’aubaine.
«Je peux, dis-je, vous habiller. Oubliez vos peines.
Je sais les mots faits pour vous plaire
Et j’ai deux dictionnaires.»
Elle répondit : «Va pour l’essai.
Vous me paraissez brave type
Lui aussi I’était mais il fumait la pipe,
Ça m’ faisait tousser.»
Et la mélodie envolée d’une autre guitare,
Avec mes mots s’est installée dans mon répertoire.
Et bien que je sois sans moustaches,
A moi elle s’attache.
Et les soirs où je me sens vieux,
Lorsque j’ai le cœur à l’automne,
Elle insiste un peu pour que je la chantonne.
Alors ça va mieux.