J'ai des tombeaux en abondance,
Des sépultur's à discrétion,
Dans tout cim'tièr' d' quelque importance
J'ai ma petite concession.
De l'humble terre au mausolée,
Avec toujours quelqu'un dedans,
J'ai des p'tit's boss's plein les allées,
Et je suis triste, cependant...
Car j' n'en ai pas, et ça m'agace,
Et ça défrise mon blason,
Au cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de ma maison. (bis)
J'en possède au Père-Lachaise,
A Bagneux, à Thiais, à Pantin,
Et jusque, ne vous en déplaise,
Au fond du cimetièr' marin,
A la vil' comm' à la campagne,
Partout où l'on peut faire un trou,
J'ai mêm' des tombeaux en Espagne
Qu'on me jalouse peu ou prou...
Mais j' n'en ai pas la moindre trace,
Le plus humble petit soupçon,
Au cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de ma maison. (bis)
Le jour des morts, je cours, je vole,
Je vais, infatigablement,
De nécropole en nécropole,
De pierr' tombale en monument.
On m'entrevoit sous un' couronne
D'immortelles à Champerret,
Un peu plus tard, c'est à Charonne
Qu'on m'aperçoit sous un cyprès...
Mais, seul, un fourbe aura l'audace
De dir' "J' l'ai vu à l'horizon
Du cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de sa maison". (bis)
Devant l' château de ma grand-tante
La marquise de Carabas,
Ma saint' famille languit d'attente :
Mourra-t-ell', mourra-t-elle pas ?
L'un veut son or, l'autre ses meubles,
Qui ses bijoux, qui ses bib'lots,
Qui ses forêts, qui ses immeubles,
Qui ses tapis, qui ses tableaux...
Moi je n'implore qu'une grâce,
C'est qu'ell' pass' la morte-saison
Au cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de ma maison. (bis)
Ainsi chantait, la mort dans l'âme,
Un jeun' homm' de bonne tenue,
En train de ranimer la flamme
Du soldat qui lui était connu,
Or, il advint qu' le ciel eut marr' de
L'entendre parler d' ses caveaux.
Et Dieu fit signe à la camarde
De l'expédier ru’ Froidevaux...
Mais les croqu'-morts, qui’ étaient de Chartre’,
Funeste erreur de livraison,
Menèr'nt sa dépouille à Montparnasse,
De l'autr' côté de sa maison. (bis)