Il y avait des temps et des temps
Qu’je n’m’étais pas servi d’mes dents,
Qu’je n’mettais pas d’vin dans mon eau
Ni de charbon dans mon fourneau.
Tous les croqu’-morts, silencieux,
Me dévoraient déjà des yeux :
Ma dernière heure allait sonner...
C’est alors que j’ai mal tourné.
N’y allant pas par quatre chemins,
J’estourbis en un tournemain,
En un coup de bûche excessif,
Un noctambule en or massif.
Les chats fourrés, quand ils l’ont su,
M’ont posé la patte dessus
Pour m’envoyer à la Santé
Me refaire une honnêteté.
Machin, Chose, Un tel, Une telle,
Tous ceux du commun des mortels
Furent d’avis que j’aurais dû
En bonn’ justice être pendu
A la lanterne et sur-le-champ.
Y s’voyaient déjà partageant
Ma corde, en tout bien tout honneur,
En guise de porte-bonheur.
Au bout d’un siècle, on m’a jeté
A la porte de la Santé.
Comme je suis sentimental,
Je retourne au quartier natal,
Baissant le nez, rasant les murs,
Mal à l’aise sur mes fémurs,
M’attendant à voir les humains
Se détourner de mon chemin.
Y’en a un qui m’a dit : “Salut !
Te revoir, on n’y comptait plus...”
Y’en a un qui m’a demandé
Des nouvelles de ma santé.
Lors, j’ai vu qu’il restait encor
Du monde et du beau mond’ sur terre,
Et j’ai pleuré, le cul par terre,
Toutes les larmes de mon corps