A tous les enfants qui sont partis le sac au dos
Par un brumeux matin d'avril
Je voudrais faire un monument
A tous les enfants qui ont pleuré le sac au dos
Les yeux baissés sur leurs chagrins
Je voudrais faire un monument
Pas de pierre, pas de béton, ni
De bronze qui devient vert sous la morsure aiguë du temps
Un monument de leur souffrance
Un monument de leur terreur
Aussi de leur étonnement
Voilà le monde parfumé, plein de rires, plein d'oiseaux bleus,
Soudain griffé d'un coup de feu
Un monde neuf où sur un corps qui va tomber grandit une tache de sang
Mais à tous ceux qui sont restés les pieds
Au chaud, sous leur bureau en calculant
Le rendement de la guerre qu'ils ont voulue
A tous les gras, tous les cocus qui ventripotent dans la vie
Et comptent et comptent leurs écus
A tous ceux-là je dresserai le monument qui leur convient
Avec la schlague avec le fouet, avec mes pieds, avec mes poings
Avec des mots qui colleront sur leurs faux-plis,
Sur leurs bajoues, des marques de honte et de boue