J'ai fait tous les sports, mais celui que je préfère, c'est le vélo parce que j'ai le coup, vous savez, j'appuie sur les pédales et je mouve les jambes vite... C'est formidable, on ne le dirait pas à me voir comme ça !... Mais j'étais unique dans mon patelin, je gagnais toutes les courses, je pourrais même dire que j'étais le seul à être vraiment de la pédale... Peut-être maintenant parce que ça plaît pas à ma femme, puis elle me dit toujours que je finirais par attraper du mal... Mais à ce moment-là j'allais bien en vélo. Je me souviens, ça avait créé des jalousies et un Parisien qui était en vacances dans le patelin avait voulu se mesurer avec moi... Vous pensez, moi, le roi !... Hein !... Enfin je n'ai pas voulu le contrarier, alors nous voilà sur la ligne de départ, et vous savez c'était un type qui bluffait beaucoup, il se faisait appeler le leader de la course… Pensez... le leader !... Qu'il s'appelle n'importe comment, c'était pas ça qui me dérangeait. Puis il était habillé avec des lunettes, puis un petit tricot, puis des culottes courtes ; alors moi, quand j'ai vu ça, j'ai retroussé mes culottes du dimanche jusqu'aux genoux, comme ça j'avais pas l'air plus bête que lui. Enfin, on démarre ; alors tout leader qu'il était il prend la tête ; moi... sans m'en faire, je me mets derrière ; il pédalait... je pédalais... Il se dépêchait... je me dépêchais, plus qu'il les mouvait plus... que je les mouvais (rires) ; alors il ne pouvait pas me décoller. Même que ça ne lui a pas plu, parce que dans un tournant il m'a fait un coup de leader; avec sa roue arrière il m'a pris ma roue de devant, ça fait que j'ai fait le tournant un peu plus grand que j'aurais voulu ; puis justement, là, il y avait une haie et, comme un fait exprès, on aurait dit que la haie était trop près... Alors... vous comprenez... quand... n'est-ce pas... la... le... la haie, je l'ai bien vue, je ne peux pas dire que je ne l'ai pas vue... au contraire, j'avais l'impression qu'elle se foutait dans moi, alors vous comprenez, quand j'y ai touché un peu à la haie... pas beaucoup... un peu avec la tête... je... je suis passé à travers, puis comme c'était une haie d'épines, elle s'est refermée derrière moi, et j'étais resté enfermé dans l'herbage ; alors le temps que j'aille rechercher la barrière qui était à quatre cents mètres, tandis que le leader pédalait toujours... Puis, pour une fois que je mettais un petit tricot rouge, il y avait un taureau dans l'herbage ; voilà qu'il se met à courir derrière moi ; vous parlez si je les mouvais... Heureusement que je suis souple ! Mais un taureau, c'est souple aussi, hein !... Il m'a rattrapé, vous savez... Je le sentais derrière ; vous parlez si j'ai eu peur. Il y a certains taureaux qui ont des cornes en guidon de course, mais pas celui-là... (Faire signe avec les deux index comme deux cornes en l'air.) Je me rendais compte de la situation... On a beau être le roi de la pédale, c'est pas pour ça qu'on galope plus vite qu'un taureau... Je sentais ses naseaux tout près... C'était le moment de dire : il m'y soufflait pour que j'aille plus vite. A un moment il a eu un coup de tête... parce que les taureaux ils ont des coups de tête terribles ; il m'a pris par derrière et hop ! il m'a mis par-dessus la haie. Je suis retombé à côté de mon vélo ; alors, comme je suis persévérant, j'ai voulu continuer la course, mais sur mon vélo j'avais toujours ce cauchemar-là (montrant à la tête) le taureau là !... Pas là ! mais là ! (Mettre ses mains derrière). J'avais l'impression que... surtout que ma selle était un peu pointue. Quand même je suis arrivé... oui... mais la course était finie... Puis tous le monde rigolait parce que mon pantalon était déchiré ; je m'en étais pas aperçu, il ne faisait pas de vent, n'est-ce pas !... Et il y a ma mère qui était là qui me dit : « Alors, mon roi de la pédale, tu as vu ton postérieur ? » Je lui répondis : « Oui, maman qu'est-ce que tu veux, c'est le métier qui rentre ! »