1.
Un jour d’été qu’il tombait d’l’eau
Ma femm’ s’enrhuma du cerveau ;
Chez l’pharmacien j’allai quérir
Quéqu’chos’ pour la guérir.
L’potard me dit :C’est pas dang’reux,
Faut lui fair’ sucer d’la réglisse,
Prenez du Zan pour qu’ça finisse
Au plus tard dans un jour ou deux !
2.
J’en ach’tai pour trois francs dix sous,
D’ma femm’ ça n’calma pas la toux :
Mais un’ bronchit’ se déclara
A quelques jours de là.
L’potard me dit : " Ca n’s’ra pas long ;
Faut lui donner , pour que ça s’passe,
Les bonbons d’Chlorat’ de Potasse,
Et quelques cuill’rés d’sirop d’Flon.
3.
J'en ach'tai pour cinq francs dix sous,
D'ma femm, loin d'se calmer, la toux
En fluxion d'poitrin' tourna
A quelques jours de là.
L'potard me dit : « C'est renversant,
J'crois qu'votre aventure est unique .
Essayons d'un r’mède énergique :
Donnez-lui des pastill's Vincent. »
4.
J'en ach'tai pour huit francs dix sous ;
D'ma femm' ça n'calma pas la toux :
En pneumoni' ça se changea
A quelques jours de là.
L'potard me dit : « C'est pas mortel :
Pour combattre ce mal terrible
Nous avons un r'mède infaillible :
Qu'ell’ prenn' des pastill's Géraudel.»
5.
J'en ach'tai pour dix francs dix sous ;
D'ma femm' ça n'calma pas la toux :
Quand elle eut avalé tout ça
La pauvre trépassa.
Le potard, en versant un pleur,
Me dit : « Des femm's c'était la crême.
En lui donnant rien, j'crois tout d'même
Qu'on aurait évité c'malheur.
6.
Je lui répondis : Mon garçon,
Je sais qu'ce rhum' m'a coûté bon ;
Mais, d'vant c'résultat désolant,
J'regrett' pas mon argent ! »