1.
Je viens d’me fair’ fair’ l’ovariotomie
Ah ! là ! là ! ma chèr’, qu’elle opération !
Et, comm’ t’es sûr’ment ma meilleure amie,
J’te griffonn’ ci-joint mes p’tit’s impressions :
J’avais d’abord peur que l’Docteur m’endorme,
Bien qu’ce soit un’ chos’ qui m’arriv’ souvent ;
Seul’ment, d’habitud’, j’prends pas d’chloroforme,
J’prends général’ment dans les vingt-cinq francs…
2.
Ecoute - avant tout -il faut que j'te l'dise,
Le méd'cin en chef est un homm' charmant ;
II s'est tout d’abord mis en bras d'chemise,
Et ça m'a rapp'lé mon premier amant...
Seul’ment c'méd’cin-là c'est une autre affaire :
Il a su tout d'suit’ trouver l'bon endroit,
Et j’ai constaté qu’il connaît - ma chère -
Vraiment son métier sur le bout du doigt ...
3.
Ah ! Dam ! au début - la chos' me consterne -
J’ai cru qu'ca n'allait pas marcher tout seul ;
El j'dois mêm' t'avouer que l'premier interne
Commençait plutôt à faire un' sal' gueul' !
Il paraît qu'la... chose était si profonde
Qu'il avait failli y perdr' son latin !
Mais il n'y a perdu heureus’ment qu'un' sonde...
- (C’est p’t’être encombrant, mais c'est pas malsain) –
4.
V’là qu'j’arriv' maint'nant à l’instant critique
Où l’on m'a r'tiré tout's mes... illusions ;
C'est un sal' moment, qu'a rien d'poétique,
Et qui vous procure un' drôl’ d'impression :
Fourrant ses gros doigts sur ma p'tit' peau rose,
Le méd'cin en chef s'met à m'farfouiller...
Bref, c'est l'deuxième homm' qui m'ait pris quéqu' chose,
Mais la premièr' fois, j’n’ai pas tant crié !
5.
Enfïn, à présent, c'est fini, ma chère ;
Et c'n’est pas trop tôt, sacré nom d’un chien !
Mais puisqu'avec toi, j'veux rester sincère,
J'dois t'avouer qu'dans l'fond, je n'regrette rien.
Maint’nant – c’est réglé - grâce à c't'aventure,
J’suis dev'nu' kif-kif un gardien d'sérail :
J'suis sûr' que j'n'aurai pas d'progéniture,
Et sans accident, j’f’rai mon p'tit travail...
6.
Et puis, y'a encore un autre avantage :
On n'est pas toujours très bien disposé...
Un' fois tous les mois... quéqu' fois davantage,
On a beau vouloir... y faut se r'poser !
Tandis qu'à présent - vois-tu, ma cocotte -
Grâce aux résultats de c’t’opération,
J'aurai plus vit' fait d’arrondir ma p'lote,
Puisque j'n'aurai plus jamais d'mort’-saison !…