C’était un petit bonheur
Que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer
Il s’est mis à crier:
"Monsieur, ramassez-moi
Chez vous amenez-moi".
Mes frères m’ont oublié, je suis tombé, je suis malade
Si vous n’me cueillez point, je vais mourir, quelle ballade !
Je me ferai petit, tendre et soumis, je vous le jure
Monsieur, je vous en prie, délivrez-moi de ma torture".
2.
J’ai pris le p’tit bonheur
L’ai mis sous mes haillons
J’ai dit: " Faut pas qu’il meure,
Viens-t’en dans ma maison".
Alors le p’tit bonheur
A fait sa guérison
Sur le bord de mon coeur
Y avait une chanson.
Mes jours, mes nuits, mes peines, mes deuils, mon mal, tout fut oublié;
Ma vie de désoeuvré, j’avais dégoût d’la r’commencer,
Quand il pleuvait dehors ou qu’mes amis m’faisaient des peines,
J’prenais mon p’tit bonheur et j’lui disais: "C’est toi ma reine".
3.Mon bonheur a fleuri,
Il a fait des bourgeons.
C’était le paradis,
Ça s’voyait sur mon front.
Or un matin joli
Que j’sifflais ce refrain,
Mon bonheur est parti
Sans me donner la main.
J’eus beau le supplier, le cajoler, lui faire des scènes,
Lui montrer le grand trou qu’il me faisait au fond du coeur,
Il s’en allait toujours, la tête haute, sans joie, sans haine,
Comme s’il ne pouvait plus voir le soleil dans ma demeure.
4.
J’ai bien pensé mourir
De chagrin et d’ennui,
J’avais cessé de rire
C’était toujours la nuit.
Il me restait l’oubli,
Il me restait l’mépris,
Enfin que j’me suis dit:
"Il me reste la vie".
J’ai repris mon bâton, mes deuils, mes peines et mes guenilles,
Et je bats la semelle dans des pays de malheureux.
Aujourd’hui quand je vois une fontaine ou une fille,
Je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux...(Bis).