Mon opérette
1
Je vis dans une opérette
J'y suis marquis et de jolies soubrettes
M'époussettent et m'embrassent tous les matins
En me disant : « Bonjour, Monsieur d'Saint-Quentin ! »
Je porte une perruque de neige
Et par la porte qu'un truc change en manège
On ne me voit qu'avec des êtres légers
Quelle chance j'ai !
Demain j'marie ma fille avec un sombre idiot
Qui sait danser l'quadrille mais n'sait pas dire un mot.
La nuit si j'suis attaqué
Par des bandits plus ou moins masqués
J'leur chante alors un air en do dièse majeur
Sans avoir peur.
2
La suite se passe en Espagne
À la va-vite on plante un mât d'cocagne
Fête populaire où vient l'évêque de Burgos
Dans un carrosse plein de bosses poussé par des gosses.
Il y a là une drôle de scène
L'épiscopat me prend pour un mécène
Et nos profils étonnés et rubiconds
Plaisent au balcon…
La fin du troisième acte est rapide en coup d'fouet
L'histoire se décontracte et l'rideau tombe à souhait
Mais moi je sais qu'ce rideau
Ne tombe pas et demeure tout là-haut
Et c'est ainsi qu'jamais ne s'arrête
Mon opérette.
3
Je vis dans une lumière
Qui m'éblouit mais qui m'est familière
Le vrai, le faux s'entremêlent à qui mieux mieux
Quand je repeins le ciel c'est pour qu'il soit bleu
J'apprivoise au cours d'ma vie
Pour mon extase l'ordre et la fantaisie
Et de mes larmes je fais d'étranges colliers
Qu'on voit briller.
J'aime tout ; il y a vraiment très peu d'choses qui m'dérangent
Suis-je fou d'offrir parfois quelques roses à des anges ?
Pourquoi n'aurais-je pas aussi
Le droit d'avoir un grand bonheur ainsi
Mais avec vous amis, meilleurs interprètes
D'mon opérette !