Après trois ans d’un dur apprentissage
Le p’tit Julot devient un ouvrier
Il a quinze ans et du cœur à l’ouvrage
Et tout le jour il peine à l’atelier
Mais la nature envers lui peu clémente
L’a fait bossu contre fait, disgracieux
Les camarad’s constamment le tourmentent
C’est le jouet de tous les ouvriers
Eh ! p’tit Boscot c’est il qu’ta mère
Aurait eu peur d’un dromadaire
Pour te coller cett’ boss’ la sur l’dos ?
Laiss’ m’y toucher j’gagn’rait l’gros lot !
R : Dans ses grands yeux tout remplis de tristesse
On voit perler deux larmes de chagrin,
En se cachant le p’tit Boscot s’empresse
De s’essuyer du revers de la main
Qu’ai-je donc fait pour que chacun me raille ?
Je sais pourtant qu’ils ne sont pas méchants
Mais c’est mon sort
Il faut, vaille que vaille,
Subir les mots les plus désobligeants.
C'est aujourd'hui Dimanche et jour de fête
Le p'tit Boscot se promène à pas lents
Une fleuriste ! Il hésite…s'arrête,
Et fait le choix d'un bouquet d’œillets blancs
Puis il s'en va portant sa blanche gerbe
Mais il rencontre un groupe d'ouvriers ;
Tiens ! dit l'un deux l'Boscot' il est superbe’
Mais ma parole il va se marier’
Ah ! ah ! présente-nous donc ta gosse
Ell' doit aussi avoir un' bosse
Un œil de verre un faux menton !
Donn' donc ces fleurs spèc' d'avorton !
(Faisant le geste de lui arracher les fleurs)
R : Dans ses grands yeux tout remplis de souffrance
On voit perler deux larmes de dépit
Et brusquement, le p'tit Boscot s'élance
Pour s'emparer des fleurs qu'on lui ravit,
Pâle et tremblant, d'un geste de colère,
II ressaisit deux œillets tout meurtris,
Et les cachant, sous sa veste légère,
D'un pas pressé, tristement il s'enfuit.
II n'est pas bon quand il est en colère'
Suivons-le donc, nous allons rire un brin'
Le p'tit Boscot les mène hors la barrière
Sans s'inquiéter, il poursuit son chemin'
Voici Pantin, et son vieux cimetière ;
Le p'tit Boscot pénètre lentement,
Les ouvriers, gênés suivent derrière,
Saisis soudain d'un noir pressentiment.
Là devant une croix de pierre
Le p'tit Boscot est en prière :
On voit sur l'humble monument
Ces mots : "A ma chère maman".
R : Dans ses grands yeux tout remplis de détresse
On voit perler deux larmes de douleur,
Et, pieusement, le p'tit Boscot se baisse
Pour déposer ses deux modestes fleurs.
D'un geste ému, retirant leur casquette
Les ouvriers s'approchent doucement :
Pardon petit, vois-tu, nous étions bêtes,
Reprends tes fleurs pour ta pauvre maman.