Un jour, sur un gros navire,
Vire au vent, vire, vire,
La veuve embarqua son gâs...
Le marin ne revint pas !...
Fit vœu de faire un navire,
Vire au vent, vire, vire,
De l'offrir à Saint Yvon
Patron de « Ceux qui s'en vont ! »
Pour la coque du navire,
Vire au vent, vire, vire,
La pauvre vieille, aux abois,
A pris son sabot de bois ;
Pour le grand mât du navire,
Vire au vent, vire, vire,
Le misaine et l'artimon,
A pris trois branches d'ajonc ;
Pour les vergues du navire,
Vire au vent, vire, vire,
A rompu, tout aussitôt,
Ses aiguilles de tricot ;
Pour les voiles du navire,
Vire au vent, vire, vire,
Tailla le beau tablier
Qu'elle eut pour se marier ;
Pour les agrès du navire,
Vire au vent, vire, vire,
Les étais et les haubans,
Coupa ses beaux cheveux blancs ;
Pour achever le navire,
Vire au vent, vire, vire,
Le baptisa de ses pleurs...
Puis y mit les trois couleurs ;
Pour porter chance au navire,
Vire au vent, vire, vire,
Elle planta sur l'avant
Sa petite croix d'argent !
Enfin, prenant le navire,
Vire au vent, vire, vire,
S'en fut le porter, nu-pieds,
A Saint Yves de Tréguier :
Pour la veuve et le navire,
Vire au vent, vire, vire,
Saint Yvon tant pria Dieu...
Qu'il lui ramena son fieu !