"J’ai bien reçu, mon petit fieu,
La lettre où tu me dis : "Adieu !"
Avant de partir en campagne,
Et je dicte la lettre là
Que tu liras bien loin déjà
De la Bretagne.
Jezik,
Ta pauvre vieille !"
Je suis fille d'un matelot,
J’ai mon homme et trois gâs dans l'eau...
- La vie est quelquefois bien rude ! -
J’en ai tant dit des "Au revoir"
Que je devrais ben en avoir pris l'habitude.
Pourtant, j'ai le cœur plein d'émoi :
C’est qu'aussi je n'ai plus que toi,
Plus que toi, tout seul, en ce monde !
Las ! que ferais-je, désormais,
Si je ne voyais plus jamais
Ta tête blonde ?
Mais je console mes chagrins
En me disant que les marins
Ne meurent pas tous à la Guerre :
Vas-y gaiement, mon petit gâs...
Et reviens vite dans les bras
De ta grand-mère !
Pense à moi souvent, très souvent ;
Et, chaque fois que le grand Vent
Viendra de la Côte bretonne,
Laisse-le te bien caresser :
II t'apportera le baiser que je lui donne.
Je prierai la Vierge d'Arvor
Bien que j'invoque, et mieux encor,
Sainte Anne, lorsque je suis seule :
C'est Elle qui doit, dans les Cieux,
Protéger tous les Petits-Fieux,
La bonne Aïeule !
Retiens bien ce que je te dis :
Celle à qui tu donnas, jadis,
L'anneau d'argent des accordailles
Sera fidèle à votre Amour
Et t'espérera jusqu'au jour
Des épousailles !
Sans adieu, mon petit Yvon !
Je dicte ces mots, qui s'en vont
Sonner bien doux à ton oreille,
A ta cousine Lénaïk,
Et je signe : Veuve Rouzik,
Ta pauvre vieille ! "