La maman du petit homme
Lui dit, un matin :
« A seize ans, t'es haut tout comme
Notre huche à pain...
A la ville tu peux faire
Un bon apprenti ;
Mais, pour labourer la terre,
T es ben trop petit, mon ami,
T'es ben trop petit,
Dame, oui ! »
Vit un maître d'équipage
Qui lui rit au nez
En lui disant : « Point n'engage
Les tout nouveaux-nés !
Tu n'as pas laide frimousse
Mais t'es mal bâti...
Pour faire un tout petit mousse,
T es cor trop petit, mon ami,
T'es cor trop petit,
Dame, oui ! »
Dans son Palais de Versailles
Fut trouver le Roi :
« Je suis gâs de Cornouailles,
Sire, équipez-moi !
Mais le bon Roi Louis Seize,
En riant, lui dit :
Pour être « garde-française »
T'es ben trop petit, mon ami,
T'es ben trop petit,
Dame, oui ! »
La Guerre éclate en Bretagne
Au printemps suivant,
Et Grégoire entre en campagne
Avec Jean Chouan...
Les balles passaient, nombreuses,
Au-dessus de lui
En sifflotant, dédaigneuses :
« II est trop petit, ce joli,
II est trop petit,
Dame, oui ! »
Cependant, une le frappe
Entre les deux yeux...
Par le trou l'âme s'échappe :
Grégoire est aux Cieux !
Là, Saint-Pierre, qu'il dérange,
Lui dit : « Hors d'ici !
Il nous faut un grand Archange :
T'es ben trop petit, mon ami,
T'es ben trop petit,
Dame, oui ! »
Mais, en apprenant la chose,
Jésus se fâcha,
Entr'ouvrit son manteau rose
Pour qu'il s'y cachât ;
Fit entrer ainsi Grégoire
Dans son Paradis
En disant : « Mon Ciel de gloire,
En vérité je vous le dis,
Est pour les Petits !
Dame, oui ! »