-« Qui frappe à la chaumière
Du pauvre Jean-le-Gueux ?
-Pitié ! c’est Jean Misère
Plus que toi malheureux !
-Viens !… si vide est ma huche
J’ai dans l’âtre un bon feu…
Il me reste une bûche,
Une dernière bûche :
Viens t’y chauffer un peu !
Mais où donc, à cette heure,
T'en vas-tu, pauvre gâs ?
- Vers une Aube meilleure
Où tu suivras mes pas ;
Vois : chez toi je débûche
Sans sabots, sans souliers !...
- Il me reste une bûche,
Une dernière bûche :
Viens y chauffer tes pieds !
De tes mains le sang coule !
Qui les meurtrit ainsi ?
- Pour s'amuser, la Foule,
Pour se venger aussi :
Je démasquais l'embûche
Où sombraient les Humains !...
- Il me reste une bûche,
Une dernière bûche :
Viens y chauffer tes mains !
Mais, à part moi, personne
N'est-il donc ton ami ?
- Le Monde m'abandonne.
M'outrage et me trahit :
Sa bourdonnante Ruche
Est sourde à ma Douleur !...
- Moi, je n'ai qu'une bûche.
Une dernière bûche :
Viens y chauffer ton cœur !
Soudain, la flamme est clair ;
Jean-le-Gueux pousse un cri :
II a, dans Jean-Misère,
Reconnu Jésus-Christ !
"Vite, mets ta capuche,
Dit Jésus, c'est Noël :
Pour te payer ta bûche,
Ma plus joyeuse bûche
Va te chauffer au Ciel !"
Heureux de cette terre,
Songez aux loqueteux ;
Au nom de Jean-Misère
Secourez Jean-le-Gueux...
Le Vieux Monde trébuche
Qui ne se chauffe plus
A la dernière bûche,
La charitable bûche
Où s'est chauffé Jésus !