Je l'ai cueillie, comme on cueille un cactus,
Ne sachant ce que j'encourais malgré mon âge
Je n'ai pas trop usé des précautions d'usage.
Et c'est sans gant, la peau douce et l'oeil aimable
Que j'ai commis naïvement l'irréparable:
Pour embrasser son coeur, j'ai cueilli la fleur.
On m'avait pourtant mis en garde
«Sans vouloir te décourager,
Il faudra souvent l'arroser»
«Ça vous regarde ?!» avais-je rétorqué.
Moi j'ai cueilli la fleur, hourra!
Advienne que pourra...
Si ces conseils alarmistes habillés de jalousie
N'ont trouvé pour toute sagesse
Qu'un élégant mépris
C'est que ces piètres botanistes
Avaient si peu dans leur vie même
Entendu et j'en suis triste
De doux «je t'aime».
Moi j'ai cueilli la fleur, hourra
Advienne que pourra...
Je l'ai porté pendant des mois
À mon col d'astrakan
Je paradais fier et content
Dans les rues de la ville.
Et dans les yeux de mes amis
La fleur imprimait son reflet
J'avoue que j'en étais ravi...
On l'aimait.
J'avais cueilli la fleur, hourra
Advienne que pourra...
Mais je ne suis pas le seul ici
À m'intéresser au pistil
Je ne suis pas le seul animal
Attiré par de beaux pétales
Et jusqu'où l'on ne va jamais
Leurs doux parfums se distillent
Alors un beau jour se disent-elles
On se fait la malle.
J'avais cueilli la fleur, hourra
Advienne que pourra...