Je suis tout au fond de l’église
C’est dimanche l’chantier est arrêté
La baraque où je vis est tell'ment triste
Que j’suis venu ici pour me réchauffer
On est mille huit cents à creuser la terre
Pour la construction d’une centrale nucléaire
Je vis dans c’pays depuis l’été dernier
Quand on a débarqué les gens étaient inquiets
Je n’ai même pas quitté mes bottes
J’les ai lavées d’un coup de jet
J’ai laissé mon ciré pour un duffle-coat
J’ai donné un coup de brosse à mon bonnet
Les grands sont devant les petits sont derrière
Quelquefois ce s'rait bien que ce soit le contraire
Je vois l’ingénieur assis au premier rang
Je voudrais bien curé qu’tu me regardes en passant
Toi l’curé
Qui fait des sermons sur la charité
Toi l’curé
T’en a mis du temps pour venir me parler
L’autre dimanche on jouait aux cartes
Dans la baraque qui nous sert de foyer
On a vu arriver un défilé d’pancartes
Des jeunes contre la radioactivité
Puis une heure après des cars de CRS
Des fusils des grenades et même des chiens en laisse
Ils leur ont fait la chasse dans les blés de la plaine
Ils n’avaient qu’leurs mouchoirs contre les lacrymogènes
Il a fallu qu’Tonio se casse la gueule sur une coulée de béton
Pour qu’on arrête les bétonneuses
Chaque équipe avait des revendications
Le jour de l’enterrement les grands étaient derrière
Et quand toi l’curé t’as dis les prières
Comme on te regardait que personne comprenait
Un copain s’est levé traduire c’que tu disais
Toi l’curé
Qui fait des sermons sur la charité
Toi l’curé
T’en a mis du temps pour venir au chantier
Et maintenant on est en grève
Des grands partons sont venus de Paris
S’ils veulent que les travaux s’achèvent
Faut qu’la sécurité elle soit garantie
Depuis le syndicat explique qu'en Amérique
Une centrale mal construite avait déjà des fuites
L’ingénieur nous fait du chantage à l’embauche
Il dit : "y’a des chômeurs pour donner les coups de pioche"
Toi l’curé
Après tes sermons sur la charité
Toi l’curé
Faut qu’tu viennes au chantier plus souvent pour parler
Toi l’curé
Après tes sermons sur la charité
Toi l’curé
Faut qu’tu viennes au chantier moi j’pourrai t’en parler