Liras-tu cette lettre
Que je t’écris ce soir
Et voudras-tu connaître
Un jour notre histoire
C’est ton papa, peut-être
Qui te la traduira
À douze ans, à dix-sept
Enfin, quand tu voudras
J’y parle de ma vie
Et bien sûr de la tienne
Dans cette belle Asie
Aux frontières lointaines
Tu ne me connais pas
Je te connais à peine
Mais l’amour est parfois
Une invisible chaîne
J’ai reçu ta photo
Et j’aime ton prénom
Mon Dieu que tu es beau
Tu as les cheveux bien longs
Apprends-tu à écrire
Comment est ton village
Sais-tu que ton sourire
Me donne le courage
D’affronter les tourments
De ce monde en déroute
Qui laisse des enfants
Sur le bord de la route
Tu ne me connais pas
Je te connais à peine
Mais l’amour est parfois
Une invisible chaîne
Moi ma vie est tranquille
J’ai la chance insolente
D’avoir une famille
Attentive, attachante
Privilège suprême
Que, bien sûr, je te souhaite
J’ai un métier que j’aime
Et un toit sur ma tête
J’ai surtout, sache-le
De l’amour à revendre
Alors je t’en donne un peu
N’aie pas peur de le prendre
Tu ne me connais pas
Je te connais à peine
Mais l’amour est parfois
Une invisible chaîne
Si le peu que je donne
Te permet de manger
Et d’aller à l’école
Mon bonheur est entier
Un jour, à la Sorbonne
Tu viendras étudier
Je rêve, tu me pardonnes
Mais j’aime tant rêver
Pourvu que ton enfance
Soit une île aux trésors
Je t’embrasse en silence
Je t’écrirai encore
Tu ne me connais pas
Je te connais à peine
Mais l’amour est parfois
Une invisible chaîne