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Paroles officielles de la chanson «Afrique, Ma Mère» : Le Groupe Aventures

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Paroles officielles de la chanson "Afrique, Ma Mère"

Abidjan, Dakar, Ouaga. Aéroport. Je descends de la passerelle.
Les mains noires qui prennent le passeport. Grosse misère.
Sauf le sourire qui fait péter le clavier. Des senteurs. Poivre. Essences brûlantes.
Odeurs humaines. Sueur.
Tu prends tout dans la gueule. Tu sais que tu n'oublieras jamais.
Les douaniers qui jouent aux officiers prennent leur temps.
Le temps de faire monter en toi ce foutu sentiment qu'on est bien loin de chez soi.
Un jeune mec vient vers moi. Il s'appelle Eric.
Il va me conduire au camp. Deux heures de route.
On réussit à se faufiler sans trop frôler. Rien n'est innocent.
Je crie le nom de mon petit gars. Ça résonne jusqu'au fond de la forêt.
Incroyable dégringolade qui vient du ciel, de là-haut, de la cime des fromagers géants.
Il paraît que les éléphants les appelaient maman.
Au large, plus loin, une fleur solitaire. Une fleur émouvante et vénéneuse. Désirable.
Un petit boa est passé devant moi. Cette fois, c'est vrai.
Une nuit, j'avais vu un bébé éléphant. C'était pas vrai. J'avais trop bu.
Je voulais tellement le voir cet éléphant Paulo. Tu comprends, toi.
Mais cette fois, le petit boa, c'est vrai.
Je fais rire mes potes en leur disant que Mamie, elle n'en reviendrait pas.
Mes gamins, c'est bien con qu'ils soient pas là. C'est mieux que dans les livres.
Faut choisir, c'est l'école ou l'aventure. Pour l'instant c'est l'école.
Moi je croise un boa et mes gamins, très loin, sont à la récré.
Papa recherche le fils de Tarzan au fond de la jungle. Papa fait joujou.
Y'a le soleil au fond, sanguinolent. Bientôt, des ombres de femmes, des ombres d'hommes.
Des visions. On avait quitté la ville. À peine vue. Mauvais sentiments.
La mort qui passe. Tous ces routards, tous ces soiffards. Toutes les gazelles urbaines.
Eblouissantes. Dur, la poésie. Je la savais la misère.
Un bout d'Afrique loin de la ville. Fallait du vrai rêve, des vrais fleuves,
Des vrais humains dans de vraies pirogues.
L'odeur sauve mon rêve. L'odeur de l'Afrique.
Entre le lagon et l'océan, le grand camp des petits Blancs qui se reposent sans serpent.
Exotisme. Petit frisson garanti. Et moi je suis dedans. Comme les copains.
Cocktail de fruits, banane dans le cul.
Un blaireau, une vraie camomille, voilà ce que je suis. Moi qui voulais l'Afrique.
Je suis dans un putain de club de vacances. La jungle sans l'hépatite.
L'ivresse avec des fleurs dans les cheveux. Gout monoï. A jouer l'aventurier.
Fallait que les fleurs saignent.
Fallait que les lézards deviennent crocodiles.
Fallait qu'elles deviennent toutes des reines de Saba.
Fallait que je m'imprègne, que j'imprime. Fallait que je ruisselle.
Fallait que je déchire les flots verts de la piscine d'eau de mer.
Le matin on va se laver dans le fleuve. Il est grand. Il va loin.

Les lions sortent de la forêt. Il y a des milliers de fleurs. Elles sont de toutes les couleurs.
Les hommes en font de grands bouquets. Les déposent aux pieds d'un vieil homme.
Puis ils vont se cacher. Ils n'ont pas le droit de regarder. Leur fiancée se cache sous les fleurs.
Le vieil homme donne le signal. Les hommes doivent reconnaître leurs fleurs.
Si les fleurs qu'ils choisissent cachent leur fiancée, c'est qu'ils sont sincères. Ils peuvent se marier.
Il y a des grands bateaux blancs qui descendent le fleuve. Les hommes se reconnaissent.
Les femmes se font des grands signes. On échange des cadeaux.
On se met en rond autour d'un grand feu. Tout le monde chante.
Les lions font les basses. Les petits oiseaux multicolores se cachent dans leurs crinières.
Ils les attrapent en prenant garde de ne pas les écraser et les embrassent à grands coups de langue.
Le roi des lions est très fort. Il a beaucoup de petits enfants.
Lorsqu'il est très tard, tout le monde se couche.
Les femmes laissent les fleurs à leur porte.
Des milliers d'oiseaux viennent dormir dedans.
Le matin y'a des bouquets qui dansent dans le ciel.
Les jeunes mariés vont se baigner tout nus dans la rivière.
Les hommes montent travailler sur la montagne. Du village, on les entend chanter.
Emmène-moi dans le village, là où ma mère est née, là où papa est un sage.
"Je peux pas faire plus vite, dit Alain. Ce foutu camion avance pas.
Et les mecs, y chantent pas en montant travailler sur la montagne.
"Je ne vais pas t'emmener dans le village là où ta mère est née.
"Je vais t'emmener aux portes de l'Enfer."
Isaac. Mon compagnon dans la jungle.
Bien calé contre la portière, le soleil à travers le pare-brise lui fait éclater le profil.
Il est beau. Il est griot. "Je vais t'emmener là où je suis né. À Treichville."
Alain grimace. "Tu vas voir, c'est pas de la tarte ce bled. Il vient de loin le père."
Isaac sourit. C'est Aladin, ce mec. Il a le sourire dévastateur. Tu comprends, Paulo.
Isaac c'est une merveille. Comme Mendy.
Toujours un bout de prière au fond des yeux. Une espèce de fièvre de vie.
On est bien sur la banquette de ce foutu camion. Tous les trois. On longe le lagon.
Une pirogue file sous la pluie. Il y a la jungle qui défile. Avec les grands arbres.
Il y a bien un lion derrière tout ça. "Et non", dit Isaac.
La route toute droite. Des formes bleues dans la nuit. Qui se baignaient dans les rivières.
Les marais. J'étais éponge. J'aspirais.
On meurt toujours inachevé. Pas fini l'humain. Découvrir l'Afrique.
Etre un putain de sympathique Serbo-Croate pilote d'un avion peint avec des taches comme les girafes,
Fou amoureux d'une volcanique danseuse de tango. Embarqué par son brûlant désir, sa passion ibérique,
À la recherche du fils de Tarzan dans la forêt d'émeraude.
Afrique ma mère, t'es ma rêverie intense. C'est le soir. Tout est rouge.
Les grandes barques passent la barre. Le vent fait flotter les boubous.
Les femmes protègent leurs yeux du sable.
Tout ça me remonte à la gueule sur le trottoir à Treichville.
À la recherche du grand fleuve, la nuit. Abîme immobile. Une nuit comme un siècle.
Avec toute l'histoire du petit blanc émerveillé.
Afrique ma mère émerveillement. Tragédie de chaque instant.
Un autre se lève en toi. Un homme d'avant. Dans une histoire sans différence.
Au loin, comme des ombres chinoises, des grands éléphants font semblant de se doucher
Avec leur trompe pour faire rire les enfants.
Afrique ma mère. A voir ta misère. Ton courage. À sournoisement l'accepter. Tu m'as brisé.
Les grands lions chasseurs de neiges éternelles. Girafes convalescentes. Gazelles agacées.
Hyènes faux derches. La savane. L'ami africain. Polygame.
Petit garçon devant ses deux femmes. Vie africaine. Inlassable. Eternelle. Chaque jour.
Avec des couchers de soleil comme des flaques de sang qui barbouillent le ciel.