C’est avec le froc aux chevilles
Que j’ai découvert les plus grands
J’ai la chance que dans ma famille
Des bouquins y en avait tell’ment
J’en prenais un puis sur le trône
Je me posais deux heures de suite
Avant d’expédier dans le Rhône
Disons… l’objet de ma visite
Moi, les fourmis dans l’arrière-train
C’est un peu ma madeleine de Proust :
Moi, bienheureux au petit coin
Avec ma flûte à six schtroumpfs
Tintin et Johann et Pirlouit
Benoît Brisefer et Lucky Luke
Et Quick et Flüpke et Astrapi
Y m’en auront appris des trucs
À force de lire aux chiottes…
C’est avec le froc aux mollets
Que j’ai dévoré des romans
Que j’ai rencontré Ugolin
Et tiré la chasse en pleurant
Comme j’avais une sœur et plein d’frères
Desfois ça gueulait pour qu’je sorte
Pourtant j’me proposais d’leur faire
La lecture de derrière la porte
Y avait Céline et Maupassant
Pour m’éblouir et me distraire
Et quand vous êtes adolescent
Djian vous laisse le cul par terre
C’est avec le froc descendu
Que j’ai dû réviser mon bac
À la recherche du temps perdu
Mais bon, valait mieux pas qu’j’le rate
À force de lire aux chiottes…
C’est avec le froc aux orteils
Dans mes chiottes alphabétisés
Qu’aujourd’hui je fais tout pareil
Tout est hyper organisé
Y a entre autres ici, sur ma gauche
Mes précieux recueils de poèmes
Et les meilleures blagues de Carlos
Je vais pas le jeter, quand même
J’ai pour les fois où j’suis pressé
Une anthologie de haïkus
Bien sûr mes passages préférés
Ont un marque-page en PQ
Mon froc est toujours au même stade
Et je termine ma chanson
Tout à l’heure entre deux Pléiades
J’ai trouvé ce petit crayon
À force de lire aux chiottes…