Le ticket pour Chaville en carton qui s’effrite
Le parfum de grésil au bord des voies ferrées
La sonn’rie étrangère au poste en ébonite
Les fautes d’orthographe en Rivoire et Carré
Le voyage immobile coincé entre deux pages
D’une feuille séchée, d’un aïeul en landau
L’omnibus indolent gorgé de voisinage
Déboulant à soixante sur les rails transversaux
L’odeur de liberté d’un bidon d’ Solexine
La fadeur de la Saône avalée de travers
Les envols de biclous aux sorties des usines
L’appuie-tête en dentelle dans les wagons d’ première
Les genoux maquillés en juillet polychrome
L’humble condescendance de la Nationale Sept
La tartine aigre-douce qui échappe des paumes
La mouette qui ricane en reluquant les miettes
La mer qui va et vient apparemment si calme
Cachant tant bien que mal ses fureurs sous-marines
Et moi, sur mon radeau, agitant peu les rames
De peur de réveiller l’évidence maritime
Les premières passions et ses premiers vacarmes
Le premier équilibre et la première chute
Le roman de l’enfance écrit au sel des larmes
Que le temps paludier remise pour l’adulte
Mon idole de frère, ce Caïn de fortune,
Occupé à trier dans son bol de lentilles
Les éclats de diamants, les poussières de lune
Les galets de Morgat et l’agathe de billes
Les deux mains de mon père tricotant de l’ivoire
Les caresses qu’elles m’ont faites, entre une blanche et deux noires
C’est mon écharpe grise au cou des cerisiers
Ma gabelle conquise au cul des sabliers
Les deux mains de mon père tricotant de l’ivoire
Les caresses qu’elles m’ont faites, entre une blanche et deux noires
C’est mon écharpe grise au cou des cerisiers
Ma gabelle conquise au cul des sabliers