Si J'avais Au Moins... (Si J'avais Au Moins...)
Dans ce titre, qui est le 10e de l'album Point de Suture, Mylène Farmer aborde un thème qu'elle a autrefois abordé dans "Pas le temps de vivre" et "Serais-tu là ? ", entre autres, à savoir la mort d'un proche, voire de celui elle aime.
"Qui n'a connu Douleur immense N'aura qu'un aperçu Du temps" : Mylene entame son texte par une généralité à propos des gens qui vivent tranquillement et n'ont donc pas de douleur immense, causée par la perte d'un être cher. Ceux-là n'ont qu'un aperçu du temps car, puisqu'ils vont bien, ils sont insouciants, et ne prennent pas gare à la mort qui peut surgir à tout moment dans le temps. Un "aperçu" signifie bien qu'il s'agit de qqch de flou pour eux, de lointain.
"L'aiguille lente, Qu'il neige ou vente, L'omniprésente Souligne ton absence Partout" : Mylène s'adresse directement à celui (ou celle ? ) qui est décédé(e) : "Ton absence". D'abord cette "aiguille lente" est symbolique, car non seulement elle peut symboliser l'idée de temps (abordé plus haut) avec l'aiguille, mais aussi l'idée d'ennui (la lenteur du temps représenté par l'aiguille lente). Or, l'ennui est un thème très fréquent dans l'album Point de Suture (Je m'ennuie, Paradis inanimé... ). Donc on peut en déduire que Mylène s'ennuie, mais peut-être au sens Racinien du terme, c'est à dire l'ennui qui détruit intérieurement. Ici donc, elle serait détruite de l'intérieur par cet ennui provoqué par la perte d'un être cher. Et cette aiguille, elle la qualifie d' "omniprésente". Elle est toujours là à lui rappeler le décès : "Qu'il neige ou vente" et à le lui rappeler où qu'elle aille : "souligne ton absence partout".
"Qui n'a connu L'instable règne, Qui n'a perdu Ne sait la peine" : Mylène enchaîne dans le 2d couplet avec une 2de généralité, puis une 3e. Ici, elle vise ceux qui n'ont pas connu "l'instable règne" et n'ont rien perdu : ils ne savent pas ce qu'est la peine. L' "instable règne" pourrait symboliser la position de sa conscience, qui n'est plus tout à fait maîtresse d'elle même. En effet, la chose sur laquelle nous régnons le mieux, c'est nous-mêmes, puisque c'est ce qui nous est le plus proche. Or si ce règne est instable, alors nous sommes en déséquilibre. Et Mylène considère que ceux qui n'ont pas connu ce sentiment ne savent pas ce que c'est qu'éprouver de la peine (car la peine entraîne forcément un déséquilibre en nous). De même, elle souligne à nouveau l'idée de perte ("qui n'a perdu")
"Plus de réserve, du tout / Ni Dieu, ni haine, s'en fout" : On peut parler ici des réserves d'énergie elle n'en a plus "du tout". Par ailleurs, on peut voir qu'elle a abandonné toute vie, puisqu'elle ne ressent même plus de colère, de "haine" envers "Dieu", elle "s'en fout".
"Plus de superbe, j'ai tout D'une peine" : La superbe est une sorte de rayonnement intérieur qui s'exprime à l'extérieur. Mylène n'a plus rien de tout cela, trop affligée par la mort de l'être cher. C'est pourquoi, elle ne ressent plus la peine, mais elle EST la peine, tellement elle s'est imprimée en elle (" j'ai tout d'une peine ")
"Un enténèbrement" : ce mot n'existe pas, elle l'a simplement réalisé à partir du verbe "s'enténébrer" (comme dans L'Amour N'Est Rien "ma vie s'enténèbre"), qui signifie "envelopper de ténèbres". En somme, si elle se recouvre de ténèbres, cela veut dire qu'elle se dérobe au monde et refuse d'exister. C'est une entré dans l'ombre, si l'on préfère...
Au refrain :
"Si j'avais au moins Revu ton visage / Entrevu au loin Le moindre nuage" : On apprend deux choses ici. Non seulement la personne à qui s'adresse Mylène (TON visage) est morte mais en plus, elle ne l'a pas revu avant qu'il ne subisse son terrible sort (le "si" conditionnel implique un regret, donc quelque chose qu'elle n'a pas pu faire... ). Par ailleurs, elle insiste sur l'idée d'imprévu, en disant qu'elle n'avait rien vu venir ("le moindre nuage" représente ici le malheur qui arrive à grands pas, mais elle ne l'a pas " entrevu ").
La phrase suivante est assez complexe à cause de la syntaxe assez particulière, mais je vais essayer de la rendre un peu plus claire (elle n'est pas évidente et j'ai mis du temps avant de la comprendre ! donc si vous avez des remarques ou des objections, elles sont les bienvenues ! )
"Mais c'est à ceux Qui se lèvent Qu'on somme d'espoir Dont on dit qu'ils saignent Sans un au revoir, de croire"
Si on décompose cette phrase, Mylène parle des gens "rescapés", ou du moins ceux qui continuent de vivre après la mort de ceux qu'ils aiment : "ceux"
En fait, le milieu de la phrase est à relier à ce "ceux" : "Qui se lèvent, qu'on somme d'espoir, dont on dit qu'ils saignent sans un revoir".
Cette partie de la phrase est là pour donner des précisions sur les personnes dont parle Mylène (c'est grâce à elle que l'on comprend qu'elle parle des survivants).
Or, si on enlève cette partie de la phrase, cela donne "Mais c'est à ceux[-là]... de croire". En somme, ces gens qui ont perdu les êtres aimés doivent croire (en l'avenir, sans doute ? Peut-être en une reconstruction qui prendra du temps mais qui viendra quand même).
Ces gens là, "qui se lèvent" (contrairement aux morts qui sont couchés), on les "somme d'espoir", c'est à dire qu'on les incite à espérer que les défunts sont dans un lieu privilégié (un "paradis inanimé" par exemple ? ). Le rapport à la religion est ici abordé. Mais malgré tout, ces vivants souffrent de la perte : "Dont on dit qu'ils saignent sans un revoir". Mylène précise encore le fait qu'elle n'a pas pu voir le défunt avant sa mort "sans un revoir". Elle en "saigne", c'est à dire qu'elle en souffre éperdument.
Par ce "ceux", Mylène se représente elle-même en faisant une généralité de son cas. Mais elle précise que c'est donc à elle " de croire ".
J'espère que j'ai pu être clair... !
"Et moi, pourquoi j'existe Quand l'autre dit "Je meurs" ? " : Mylène se pose la question que chacun peut se poser lorsque l'être qu'on aime le plus vient à mourir : "Et si je l'accompagnais ? " Cela fait penser à "Dernier Sourire" où Mylène dit au mourant : "Si c'est ton souhait je peux t'accompagner". L'autre (celui qu'elle aime) dit "Je meurs" (donc il expire) mais elle, elle survit ("j'existe"). Et elle ne peut pas supporter d'être en vie quand celui qu'elle aime n'est plus, puisqu'elle demande pourquoi elle est toujours là. Elle ne comprend pas comment elle peut vivre encore sans lui.
"Pourquoi plus rien n'agite Ton coeur ? " : ici, l'image est simple. Le coeur est l'un des organes principaux de la vie humaine (avec le cerveau, les poumons, etc. ). Quand le coeur s'arrête, il ne s' "agite" plus, et on meurt. Donc ici, Mylène demande Pourquoi celui qu'elle aime est mort. Y a-t-il une raison pour qu'elle soit privée de lui ? Est-ce le désir de Dieu ? Pour quelle raison a-t-il séparé deux âmes soeurs, s'il existe ? Mylène reste sur un mystère qu'elle ne peut s'expliquer.
Enfin le dernier couplet :
"Tous mes démons Les plus hostiles Brisent les voix Les plus fragiles De tous mes anges Les plus dévoués" : Mylène joue ici avec des superlatifs ("les plus"). Ceci pourrait ressembler à une forme d'hyperbole, d'exagération, pour montrer à quel point ses émotions et sa perception des choses sont exacerbées. Tout semble "le plus" fort, "le plus" puissant, "le plus" terrible. Elle se sent tiraillée par des forces qu'elle ne comprend pas. L'ajout du "Tous" devant "mes démons" et "mes anges" renforce cette idée de profusion, de multitude, de puissance, de force dévastatrice.
Voilà pour la forme. Pour le fond, cette phrase dit que les démons de Mylène brisent les voix de ses anges. Pour résumer, les démons représentent ses malheurs, ses hantises (la mort de l'être cher en l'occurrence). Les anges sont ceux qui la protègent (on a ici l'idée de l'ange-gardien). Or si leurs voix sont brisées par les démons, cela signifie qu'elle est sans protection, et donc totalement vulnérable au chagrin de la perte.
"Et moi, l'étrange paumée Fiancée à l'enténèbrement" : Justement le côté vulnérable de Mylène transparaît bien ici avec le terme "paumée". Plus haut, Mylène a utilisé le mot "foutre", assez vulgaire. De même, "paumée" n'est pas de registre courant ou soutenu, mais plutôt familier. Ceci démontre que Mylène est un peu perdue et mélange les registres de langage, ne sait plus vraiment comment s'exprimer et perd tout contrôle.
Enfin, on apprend clairement que celui qui est mort et qu'elle pleure n'est autre que son fiancé : "Fiancée à l'enténèbrement". En effet, que fait-on lorsqu'on meurt ? On en a généralement une idée nette : celle des ténèbres, d'un long tunnel noir, de l'obscurité, ne plus rien voir, etc. Toutes ces caractéristiques renvoient à l'enténèbrement. Donc, si Mylène y est fiancée, alors elle est fiancée à la mort. On peut interpréter cela de 2 façons :
- Soit l'homme qu'elle aime est son fiancé (et il est mort, car recouvert de ténèbres)
- Soit elle se donne la mort à la fin de la chanson (et donc se fiance à la mort, l'accompagnant dans le monde de l'au-delà)...
Etant donné que l'Ave Maria résonne quelques minutes après sur la même piste, ponctuée de battements de coeur qui s'éteignent peu à peu, on peut imaginer qu'il s'agit d'un symbole de mort (d'un enterrement par exemple, avec la prière du prêtre à Maria pour guider l'âme de la défunte), et donc que c'est le coeur de Mylène qui s'arrête de battre.
Qui n'a connu
Qui n'a connu
Douleur immense
Douleur immense
N'aura qu'un aperçu
N'aura qu'un aperçu
Du temps
Du temps
L'aiguille lente
L'aiguille lente
Qu'il neige ou vente
Qu'il neige ou vente
L'omniprésente
L'omniprésente
Souligne ton absence
Souligne ton absence
Partout
Partout
Qui n'a connu
Qui n'a connu
L'instable règne
L'instable règne
Qui n'a perdu
Qui n'a perdu
Ne sait la peine
Ne sait la peine
Plus de réserve, du tout
Plus de réserve, du tout
Ni Dieu, ni haine, s'en fout
Ni Dieu, ni haine, s'en fout
Plus de superbe, j'ai tout
Plus de superbe, j'ai tout
D'une peine
D'une peine
Un enténèbrement
Un enténèbrement
[Refrain]
[Refrain]
Si j'avais au moins
Si j'avais au moins
Revu ton visage
Revu ton visage
Entrevu au loin
Entrevu au loin
Le moindre nuage
Le moindre nuage
Mais c'est à ceux
Mais c'est à ceux
Qui se lèvent
Qui se lèvent
Qu'on somme d'espoir
Qu'on somme d'espoir
Dont on dit qu'ils saignent
Dont on dit qu'ils saignent
Sans un au revoir, de croire
Sans un au revoir, de croire
Et moi, pourquoi j'existe
Et moi, pourquoi j'existe
Quand l'autre dit "Je meurs" ?
Quand l'autre dit "Je meurs" ?
Pourquoi plus rien n'agite
Pourquoi plus rien n'agite
Ton coeur ?
Ton coeur ?
Tous mes démons
Tous mes démons
Les plus hostiles
Les plus hostiles
Brisent les voix
Brisent les voix
Les plus fragiles
Les plus fragiles
De tous mes anges
De tous mes anges
Les plus dévoués
Les plus dévoués
Et moi, l'étrange paumée
Et moi, l'étrange paumée
Fiancée à l'enténèbrement
Fiancée à l'enténèbrement
[Refrain] x2
[Refrain] x2
Vos commentaires
En regardant le védéoclip j'ai crût qu'elle parlée de la cruautés envers les animaux"! les test sur les animaux..!
Je vois pas le rapport d'un être décèder....
J'admirer son clip là où elle sauve les animaux par l'effect magical ..ensuite les animuax l'a suivent...
Dommage ça aurais été beau clip à propos de la cruauté envers les animaux de tout genre.
Mais vraiment touchant les paroles très belle chanson que j'aime tout de même.
merci
le clip est une partie du film "The Farmer Project".
L'extra-terrestre (Mylène) qui libère les animaux après avoir été capturée est le symbole de l'artiste qu'on décortique et qu'on critique [avec les scientifiques qui la capturent et l'étudient d'un air malveillant], mais cet artiste (l'extra-terrestre) libère le commun des mortels (les animaux) et les sauve des détracteurs contre-nature (nature représentée par les animaux et représentant les êtres humains).
Cette interprétation n'est pas la mienne mais celle d'un spécialiste de Mylène Farmer, Hugues Royer, qui a publié une biographie très complète sur Mylène.
Le Farmer Project utilise des chansons (Dégénération et Si j'avais au moins) simplement pour faire la promo de Mylène et de son album, et pour renouer avec la tradition d'un personnage qu'on retrouve à travers plusieurs clips (comme la...
j'aime le passage où dans le clip elle est avec un chaton <3