L'horloge (L'Horloge)
Ah ! Baudelaire quand tu nous tiens !
Poète désenchanté par la nature humaine, hanté par la mort et l'amour... Le poète préféré de Mylene, dit-on. On devine aisément pourquoi !
La chanteuse admettra à plusieurs reprises admirer Baudelaire. Ses thèmes favoris sont aussi ceux du poète (ou est-ce l'inverse ? ^^) : parmi eux le temps qui passe et conduit inexorablement à la mort.
L'Horloge est le dernier poème de la première partie des "Fleurs du Mal" ("Spleen et Idéal"). Au départ constitué de 100 poèmes en 1857, puis réédité avec 35 pièces et une partie supplémentaires ("Tableaux parisiens"), ce recueil de poèmes symbolise, par sa structure, la décadence de l'homme qui prend conscience de sa nature mortelle et mauvaise.
De l'"Idéal" bafoué, le poète sombre dans le "Spleen", puis tente de se consoler avec des paradis artificiels (la drogue). Il se confine dans le rêve, avec les "Tableaux parisiens" qui sont composés de poèmes très imaginaires et urbains (Baudelaire est le premier à aborder le sujet de "la ville" en poésie). Mais cela ne lui suffit pas, alors il agresse son corps avec "le Vin" (3e partie), se réfugie dans le vice (4e partie : "Fleurs du Mal") pour ensuite se révolter contre Dieu (5e partie : "Révolte") et se tourner vers Satan ("Les litanies de Satan"), et enfin découvrir un nouveau "Voyage", une ouverture vers un nouveau monde : "la Mort" (6e et dernière partie).
"L'Horloge" est donc un poème très emblématique de ce parcours : le temps passe et l'on voit défiler les heures, les souvenirs s'effacent, on veut faire n'importe quoi avant de mourir...
Mylene a bien compris le sens du poème, c'est une évidence.
Là où le poète emploie le procédé stylistique de l'allégorie pour matérialiser le Temps : ce dernier est symbolisé par un objet, l'Horloge. Il va même plus loin en usant d'une prosopopée (c'est-à-dire faire parler quelque chose d'immatériel ou un mort) : "La seconde chuchote Souviens-toi".
Mylene se réapproprie le texte en prenant tantôt une voix de petite fille, tantôt une voix soufflée (un peu comme dans Déshabillez-moi) pour souligner la justesse de ce vers : "Mon gosier de métal parle toutes les langues. "
Laurent Boutonnat ponctue la musique de voix inquiétantes d'hommes, de bruits du balancier d'une horloge comtoise, et autres sons macabres qui renchérissent l'effet de l'interprétation.
En commençant son concert de mai 89 par ce titre, Mylene frappe fort : elle finit la chanson en entrant dans un tombeau (car le décor est alors un cimetière, décor parfaitement assorti au texte de Baudelaire ! ).
Le bruit de l'horloge sera même repris à la fin du spectacle pour le clôturer. La boucle est bouclée.
En somme, cette reprise est très juste et parfaitement bien ingérée par la chanteuse.
*
C'était ma dernière explication de chanson de Mylene Farmer jusqu'à son prochain album. En effet, à ce jour, je ne connais pas de chansons, écrites de sa plume, qui ne figurent sur ce site (expliquées ou non... ).
On attend donc avec impatience son futur album qui sortira fin 2008 d'après les rumeurs.
D'ici là...
Patience !
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible
Dont le doigt nous menace et nous dit "Souviens-toi !
Dont le doigt nous menace et nous dit "Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;
Se planteront bientôt comme dans une cible ;
"Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
"Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de sa coulisse ;
Ainsi qu'une sylphide au fond de sa coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
"Trois mille six cent fois par heure, la Seconde
"Trois mille six cent fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi - Rapide, avec sa voix
Chuchote : Souviens-toi - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
"Remember ! Souviens-toi, prodigue Esto memor !
"Remember ! Souviens-toi, prodigue Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues. )
(Mon gosier de métal parle toutes les langues. )
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !
"Souviens-toi que le temps est un joueur avide
"Souviens-toi que le temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup c'est la loi.
Qui gagne sans tricher, à tout coup c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
"Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
"Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu ton épouse encor vierge,
Où l'auguste Vertu ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge ! ),
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge ! ),
Où tout te dira Meurs, vieux lâche ! Il est trop tard ! "
Où tout te dira Meurs, vieux lâche ! Il est trop tard ! "
Vos commentaires
Merci pour l'explication ;-)