Vertige (Vertige)
"Anamorphosée" est l'album initiatique de Mylene Farmer. Pourquoi initiatique ? Parce que la chanteuse y effectue un véritable tournant tant au niveau artistique, musical, que sur le plan du message qu'elle fait passer.
En effet, elle s'est libérée de ses angoisses d'antan, celles qu'elle chantait dans les albums "Ainsi Soit-Je" et "L'Autre".
La chanson "Vertige" en est l'un de plus beaux exemples.
Dans le premier couplet, Mylene se met en scène sous la pluie ("Rain"), et nue ("nudité"). Elle espère sans doute être ainsi purifiée de sa vie d'autrefois qui ne correspond plus à la femme qu'elle est devenue. Elle s'adresse à la "Nuit". Si cette dernière est "plus lente", c'est pour mieux ôter toutes les impuretés de son coeur ("Délivrante"). Après tout, plus la Nuit est lente, plus elle a le temps d'expulser le négatif qui est en Mylene.
Mylene continue en qualifiant la vie, "l'existence", comme "impermanente". Cet adjectif n'existe pas, mais Mylene aime bien les néologismes comme on le verra par la suite. Cet adjectif, par opposition à "permanent", signifie que la vie est loin d'être un long fleuve tranquille, immuable et toujours identique : elle change, varie et c'est précisément ce qui est arrivé à Mylene. Elle a réalisé combien la vie était courte ("éphémère") et qu'il fallait en profiter. S'ensuit une métaphore qui associe nos vies à des "nuages".
L'image est éloquente, puisque les nuages passent au gré du vent et finissent par disparaître, s'évaporer. Tantôt ils sont gris, tantôt noirs, tantôt blancs (selon les humeurs, comme les humeurs des gens au cours de la vie). Ils sont donc à même de nous représenter.
Et parfois ils pleuvent (désolé pour ce néologisme), d'où l'image des gouttes d'eau : nous sommes tous des gouttes d'eau (car quand il pleut elles sont très nombreuses) mais "nécessaires", donc chaque existence est utile (contrairement à ce qu'elle dit dans "A Quoi Je Sers... "). Nous faisons tous partie du rouage complexe qu'est l'humanité.
Le voyage représente sans doute le voyage intérieur et initiatique de Mylene pour atteindre la sérénité.
On voit donc que ce texte est d'optique positive et optimiste.
Pour ce qui est du refrain, Mylene va "plus loin plus haut" et "atteins son astre". Chez Mylene, l'astre peut être synonyme de l'âme. Il s'agit donc ici de pousser la recherche de soi jusqu'à son paroxysme et se connaître réellement. Mylene se sait mortelle et l'accepte. Elle arrive enfin à vivre en paix.
"Je vertige de vivre". Le verbe "vertiger" est un autre néologisme de Mylene, qui sera ensuite friande de ce genre d'invention de mots/verbes ("Ma vie s'enténèbre" / "je m'exsangue" dans "L'Amour N'est Rien... " par exemple). Le vertige est une sensation souvent très violente, mais peut conduire à l'euphorie totale (exemple : les gens qui sautent à l'élastique). C'est extrêmement grisant, donc Mylene est excitée par la vie, plus motivée que jamais à la croquer !
"L'esprit voyage" : à nouveau le parcours initiatique pour se rechercher soi-même, par l'esprit ("Le Livre Tibétain de la Vie de la Mort" est représentatif de ce type d'objectif).
"L'éveil d'un sens / L'instinct d'une danse" : Cette découverte de soi, grâce au bouddhisme, lui permet de se révéler à elle-même des facettes de son personnalité qu'elle ne supposait peut-être pas. Ses sens se réveillent, et ses instincts premiers lui (re)viennent : elle danse, elle est heureuse, elle est capable de tout. Et sans doute est-ce une nouvelle impulsion pour sa carrière.
"L'extase et l'immensité" : Mylene a découvert l'extase d'être vivante ("Je vertige d'être vivant"), elle est heureuse, délivrée de cet "Autre" aux pensées sombres et dévastatrices. Elle aperçoit l'immensité (l'infini, le paradis, ou pour rester dans la logique bouddhiste : le Nirvana) donc s'est libérée de cette peur de la mort, qui ne reviendra qu'à la toute fin de l'album Innamoramento avec "Si Vieillir m'était Conté" (le verbe "Conter" évoque ici un conte de fées, c'est-à-dire qu'elle est vraiment loin de cette peur, comme si c'était imaginaire. Elle finit donc par refouler la mort, ou l'accepter totalement).
Le deuxième couplet relance le processus de purification "Rain, nudité". Elle demande à la Nuit d'être "plus longue" pour que ce processus puisse s'accomplir intégralement et s'achever sur une sérénité totale.
"L'homme gronde" : Mylene fait un parallèle entre la pluie, purifiante, et l'homme qu'elle associe à l'orage (qui "gronde"). Il est donc, de manière générale, contraire à l'apaisement que provoque la pluie. Elle en fait un être entravé de ses "Chaînes". La "pluie d'acier" peut symboliser les pluies acides ou le fléau de la guerre qui fait pleuvoir des missiles, des roquettes sur l'humanité, etc.
"Son ignorance est sa souffrance" : Il ignore qu'après la mort, c'est la renaissance, comme nous l'enseigne le bouddhisme auquel Mylene s'est rattachée. Donc il a peur de vieillir et veut tout conquérir de son vivant (d'où la "pluie d'acier"). Seulement, s'il comprenait, comme Mylene, que nous sommes éternels et donc qu'il n'y a pas de peur à avoir, il pourrait vertiger de vivre lui aussi, insouciant et heureux.
"Le temps n'appartient à personne" : chacun pense qu'il peut et doit s'y rattacher, car quand il sera passé, ce sera trop tard. Mais Mylene dit l'inverse : elle affirme qu'il n'est à personne, donc que personne ne peut le posséder. On doit le laisser courir, de toute façon nous sommes éternels.
"Ballet d'étoiles insaisissables" : nous serons, après la mort, des étoiles qui dansent ("ballet") car heureuses d'avoir vécu pleinement en toute insouciance sans faire attention au temps qui passe.
"Instant présent tu es l'essence du voyage" : En soit, cette phrase finale peut rappeler un célèbre poème d'Horace, poète latin : "Carpe Diem" ("Cueille le Jour"). C'est cueillir l'instant présent pour sa simplicité et sa fraîcheur, comme une fleur. C'est ainsi que le voyage est plus beau : son essence est d'être présent (le passé n'existe plus et le futur n'existe pas encore alors pourquoi s'en préoccuper ? ).
La vie est brève. Alors vertigeons de vivre !
Rain, nudité
Rain, nudité
Nuit sois plus lente
Nuit sois plus lente
Délivrante
Délivrante
Rain, volupté
Rain, volupté
Impermanente l'existence
Impermanente l'existence
Vois comme la vie est éphémère
Vois comme la vie est éphémère
Comme les nuages
Comme les nuages
Juste un passage
Juste un passage
Une goutte d'eau nécessaire
Une goutte d'eau nécessaire
Au voyage
Au voyage
[Refrain]
[Refrain]
Plus loin plus haut
Plus loin plus haut
J'atteins mon astre
J'atteins mon astre
Je vertige de vivre
Je vertige de vivre
Plus loin plus haut
Plus loin plus haut
L'esprit voyage
L'esprit voyage
Je vertige de vivre
Je vertige de vivre
L'éveil d'un sens
L'éveil d'un sens
L'instinct d'une danse
L'instinct d'une danse
Je vertige de vivre
Je vertige de vivre
Plus loin plus haut
Plus loin plus haut
L'extase et l'immensité
L'extase et l'immensité
Je vertige d'être vivant
Je vertige d'être vivant
Rain, nudité
Rain, nudité
Nuit soit plus longue
Nuit soit plus longue
L'homme gronde
L'homme gronde
Chaînes, pluie d'acier
Chaînes, pluie d'acier
Son ignorance est sa souffrance
Son ignorance est sa souffrance
Le temps n'appartient à personne
Le temps n'appartient à personne
Ballet d'étoiles
Ballet d'étoiles
Insaisissables
Insaisissables
Instant présent tu es l'essence
Instant présent tu es l'essence
Du voyage
Du voyage
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