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Loin très loin du monde
Où rien ne meurt jamais
J'ai fait ce long,
Ce doux voyage,
Nos âmes se confondent
Aux neiges éternelles
L'amour cachait
Son vrai visage
- Jean-Louis Murat
Oh viens, ne sois plus sage
Après tout qu'importe
Je sais la menace
Des amours mortes
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Gardons l'innocence
Et l'insouciance
De nos jeux d'antan, troublants.
(Refrain:)
N'aie pas de regret
Fais moi confiance, et pense
A tous les no way
L'indifférence des sens
N'aie pas de regret
Fais la promesse, tu sais que
L'hiver et l'automne n'ont pu s'aimer
- Jean-Louis Murat
Debout la tête ivre
De rêves suspendus
Je bois à nos amours
Infirmes
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Au vent que je devine
Nos lèvres éperdues
S'offrent des noces
Clandestines
N'ouvre pas la porte
Tu sais le piège
De tous les remords
De l'anathème
- Jean-Louis Murat
Je me fous des saisons
Viens je t'emmène
Là, où dorment ceux qui s'aiment.
(Refrain)
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A ma connaissance, c'est le tout premier duo en studio (ou duo tout court ? ) de Mylene.
Alliée à la voix grave du très contesté Jean-Louis Murat, dont la carrière a vraiment commencé à partir de ce duo, elle nous parle d'une relation ambiguë où se mêlent différents thèmes qui lui sont chers.
La chanteuse décrit un univers très loin de celui que nous connaissons, où tout est immortel : "Loin très loin du monde où rien ne meurt jamais". Elle y est allée ("J'ai fait ce long ce doux voyage") mais on apprend juste après qu'elle ne s'y est pas rendue seule : "Nos âmes se confondent aux neiges éternelles". Le pronom possessif "nos" signale bien un couple. Sachant que dans cet univers, "rien ne meurt jamais", les "neiges éternelles" dont elle parle renvoient à cette caractéristique (elles ne meurent pas). Donc les deux amants, lorsqu'ils se "mêlent" à ces neiges, décident de demeurer dans cet univers lointain et immortel : l'Amour. Ce dernier "cachait son vrai visage", c'est-à-dire qu'il était si loin qu'elle ne pouvait le voir (et c'est en s'y rendant qu'elle a pu le découvrir, avec celui qu'elle aime).
Jean-Louis Murat répond alors par une invitation à la sensualité : "Viens ne sois plus sage". Pourquoi cette invitation ? Parce qu'il sait la "menace des amours mortes", autrement dit : la passion qui s'éteint de n'avoir pas assez rallumé le flambeau. Mais Mylene n'est pas d'accord : elle veut rester dans l'enfance, pure et innocente (comme la neige ? ). En effet la neige symbolise ici la pureté de l'enfance, et de l'amour que partagent les enfants : "Gardons l'innocence et l'insouciance". Les "jeux d'antan" rappellent ce côté passé, lointain, de l'enfance, qu'elle veut préserver.
Dans le refrain, Mylene continue sur sa lancée :
"N'aie pas de regret" : L'enfance est achevée, mais elle n'en a pas de regrets puisque d'une certaine manière elle y est restée...
"Fais moi confiance, et pense / A tous les no way" : "No way" en anglais peut signifier "Pas question" (réponse des parents à leurs enfants ? Ceux de la jeune femme auraient donc voulu séparer les deux amoureux ? ) ou encore "Impossible", ce qui peut être interprété comme une autre réponse de Mylène à JL Murat : "Impossible pour moi de consommer notre amour d'enfants. "
"L'indifférence des sens" : Cela renforce la réponse de Mylene. En effet, à trop vouloir consommer leur amour sexuellement, ils perdraient toute la magie de leurs sentiments, et sombreraient dans l'indifférence totale l'un pour l'autre.
"N'aie pas de regret" : A nouveau, elle insiste sur son souhait de rester enfant.
"Fais la promesse, tu sais que / L'hiver et l'automne n'ont pu s'aimer" : On peut imaginer la "promesse" comme une promesse d'enfants qui s'aiment (comme dans les jolies histoires) ? L'hiver et l'automne sont deux saisons dans la continuité l'une de l'autre. Par ailleurs, l'hiver, en début d'année, et l'automne, en fin d'année, peuvent représenter le début et la fin d'une vie. L'enfance et la vieillesse (ou l'âge adulte), qui n'ont pu "s'aimer". Ceci renforce davantage la position de Mylene : on ne mélange pas les sentiments innocents d'enfants avec la passion (sexuelle ? ) des adultes. Par ailleurs, l'hiver est une saison de neige, ce qui peut sembler être un renvoi aux premier couplet, les "neiges éternelles". Si l'hiver (donc la saison de l'amour pur selon Mylene... bah oui elle fait toujours tout à l'envers ! ), si l'hiver, disais-je, ne peut aimer une saison aussi pluvieuse et tempétueuse que l'automne (= le sexe) c'est parce que ce sont deux univers/saisons bien trop distinctes et opposées.
JL Murat réplique à cela en s'enivrant pour calmer sa douleur d'être repoussé : "Debout la tête ivre de rêves suspendus". Les rêves suspendus sont pour lui les espoirs de conquête sexuelle qu'il espérait. "Je bois à nos amours infirmes". Selon lui, cet amour innocent et insouciant ne peut pas aboutir, comme un embryon qui n'a pas achevé sa croissance, et qui est, de ce fait, handicapé (= infirme).
Mylene est de plus en plus réticente : "Au vent que je devine, nos lèvres éperdues s'offrent des noces clandestines". Belle métaphore (doublée) pour parler d'un baiser volé.
Le "vent" est synonyme de liberté. JL prend donc des libertés avec elle, elle le devine, mais se laisse faire (elle n'a pas le choix puisque c'est un baiser volé). Comment savons-nous qu'il est volé ? Les lèvres éperdues s'offrent des "Noces clandestines". La clandestinité est quelque chose d'illicite, d'interdit, c'est une violation de territoire ou d'intégrité physique/morale/de liberté. JL a donc franchi le seuil du territoire Mylenien (le veinard ! ) et s'est emparé d'un baiser "éperdu". Ce mot est significatif d'un réel désespoir. JL n'en peut plus de contenir son désir.
Par une autre métaphore, Mylene lui défend de pénétrer en elle : "N'ouvre pas la porte". La porte représente possiblement son sexe ou son hymen (car, si elle désire rester pure comme une enfant, elle n'a sans doute jamais consommé l'amour et a toujours son hymen). Elle affirme que consommer l'acte sexuel est un "piège", qu'il engendre les "remords" et l' "anathème" (=excommunication religieuse, blâme public, qui se fait pour les hérétiques). Le côté religieux signifie-t-il que Mylene (dans cette chanson) est contre le sexe avant le mariage, sous peine d'être excommuniée ?
Sans doute, puisque "Agnus Dei" fait référence à l'hérésie. Elle aurait donc succombé à ses désirs et ceux de JL ?
Ce dernier dit "Je me fous des saisons". C'est un clin d'oeil au refrain, sur lequel je me suis penché plus tôt. Pour lui, l'hiver et l'automne, leur opposition (neige-pureté/tempête-sexualité) et leur incompatibilité sont des détails de second ordre, il s'en moque et tient vraiment à consommer Mylene.
C'est précisément ce qu'il fait en la menant au 7e Ciel (l'orgasme) :
"Viens je t'emmène là où dorment ceux qui s'aiment".
Vos commentaires
Aucun commentaire? Mais pourtant c'est.. magnifique!!!
Magnifique ! Et superbe explication ;-)
A mes yeux cette chanson symbolise l'impossibilité d'un homme de faire le deuil de son amoureuse décédée. Au début du clip, il se dirige vers le cimetière un bouquet de roses à la main.
"Je connais la menace des amours mortes"
Il s'imagine danser et jouer avec le spectre de sa femme disparue et pendant toute la durée du clip, ils partagent un moment ensemble avant que finalement, elle ne s'éloigne et qu'il quitte le cimetière... Avec son bouquet de roses à la main. Ce qui signifie qu'il n'a pas déposé les fleurs sur sa tombe, qu'ils préfère ces "amours mortes" malgré l'indifférence des sens (autrement dit, retrouver sa femme en rêve et peut-être même dans la mort...) plutôt que d'accepter qu'il ne la reverra plus jamais.