Avons-nous donc commis une action étrange?
Explique si tu peux mon trouble et mon effroi
Je frissonne de peur quand tu me dis mon ange
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi
Ne me regarde pas ainsi, toi ma pensée
Toi que j’aime à jamais, ma sœur d’élection
Quand même tu serais une embûche dressée
Et le commencement de ma perdition
Quand même tu serais une embûche dressée
Et le commencement de ma perdition
Qui donc devant l’amour ose parler d’enfer?
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulu le premier dans sa stupidité
S’éprenant d’un problème insoluble et stérile
Aux choses de l’amour mêler l’honnêteté
Celui qui veut unir dans un accord mystique
L’ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour
Ne chauffera jamais son corps paralytique
A ce rouge soleil que l’on nomme l’amour
On ne peut ici bas contenter qu’un seul maître
Mais l’enfant épanchant une immense douleur
Cria soudain: « Je sens s’élargir dans mon être,
Un abîme béant, cet abîme est mon cœur »
Brûlant comme un volcan, profond comme le vide
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l’Euménide
Qui la torche à la main, le brûle jusqu’au sang
Que nos rideaux fermés nous séparent du monde
Et que la lassitude amène le repos
Je veux m’anéantir dans ta gorge profonde
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux
Oh
Descendez, descendez lamentables victimes
Descendez le chemin de l’enfer éternel
Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel
Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;
Par les fentes des murs des miasmes fiévreux
Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux
Faites votre destin, âmes désordonnées
Et fuyiez l'infini que vous portez en vous!
Oh, oh, oh x2
Hippolyte, ô cher cœur, que dis-tu de ces choses?
Comprends-tu maintenant qu’il ne faut pas offrir
L'holocauste sacré de tes premières roses
Aux souffles violents qui pourraient les flétrir?
Hippolyte, ô ma sœur, tourne donc ton visage
Toi mon âme et mon cœur, et mon tout et ma moitié,
Tourne vers moi tes yeux pleins d’azur et d’étoiles,
Pour un de ces regards charmant, baume divin
Des plaisirs plus obscurs, je lèverai les voiles
Et je t’endormirai dans un rêve sans fin.
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Ebauche N°2 ()
Voilà avec cette chanson un exemple de la perfection de saez... Ce poème de Baudelaire, extrait de "Delphine et Hyppolyte" des Fleurs du Mal, est superbement déclamé sur une musique vraiment jolie. Quand on sait que Saez nous habitue à un timbre de voix très spécial, on est presque supris par la voix épurée qu'il a dans cette chanson. Seulement on connaît la poésie de Damien, et on sait que lorsqu'il s'agit de servir la cause de la beauté, Saez se fait humble serviteur. Et dans cette chanson, Saez use de sobriété, tant bien sûr le poème est beau. Il est rare qu'un chanteur rende réellement hommage au poème qu'il emprunte, mais Saez est vraiment à la hauteur du poète qu'il chante. On ne peut que regretter que cette chanson soit difficilement trouvable. En tout cas, il faut remarquer à quel point le poème est bien choisi, ce n'est pas juste parce que ça fait bien de reprendre du Baudelaire. Le poème correspond tout à fait à l'univers de Saez et en entendant Damien le chanter on ne peut s'empêcher d'avoir les larmes aux yeux.
Pour quelques clés de lecture, ce poème parle d'un amour lesbien (il fait d'ailleurs partie des poèmes censurés lors de la parution des Fleurs du mal). Amour interdit, interdit par les autres bien entendu, et le fait qu'il s'agisse de lesbienne n'a pas forcément beaucoup d'importance, il s'agit de parler de l'amour interdit, et / ou impossible. Thème cher à Saez, que l'on retrouve déjà dans Les condamnés (album Katagena) par exemple. On ne sait pas quelle faute on doit expier, comme dans ce poème de Baudelaire d'ailleurs, parce que pourquoi s'excuser d'aimer "sa soeur", mais l'on sait que l'on est condamnés par les hommes, et qu'il nous faudra payer. Pourtant, les hommes ont beau vouloir nous faire payer, ils ne peuvent nous enlever notre bien précieux qu'est l'amour pour lequel on est justement condamnés. Ainsi, les héros de cette chanson et de ce poème sont loins de cette souffrance qu'on veut leur inffliger, ils gardent leur dignité... L'important est l'amour qu'ils se portent, et grâce à cet amour, ils passeront outre l'injustice des hommes, loin de toute cette bêtise...
Mais nos âmes enlacées, sont bien trop loin pour eux+ (les condamnés, Katagena)
Que nos rideaux fermés nous séparent du monde
Qu'importent qu'ils soient là, prêts à nous sauter dessus, à nous faire souffrir et à nous tuer, l'amour fusionnel qui nous unit est plus fort que cela et transcendera leur cruauté... .
Vos commentaires
baudelaire + saez = :-\
Elle me fait frissonner de plaisir chaque fois que je l'entends, que c'est beau!
Néanmoins je déplore un découpage du poeme assez étrange...des fois il enlève juste 2 phrases au couplet qu'il est en train de chanter, comme s'il n'aimait pas ces 2 phrases, puis il revient au début, puis rétourne à la fin...j'ai connu la chanson avant de connaitre le poeme, et je me suis rendu compte à quel point la chanson ne voulait plus rien dire...par ex ds la chanson on comprend à peine qu'il y a deux femmes qui se parle
Enfin bref voila, n'empeche que cette chanson est une de mes chansons préférées