Paroles de la chanson «Laisse Pas Trainer Ton Fils» par Suprême NTM

Kool Shen
À l'aube de l'an 2000, pour les jeunes, c'est plus le même deal
Pour celui qui traîne, comme pour celui qui file tout droit
De toute façon, y a plus de boulot, la boucle est bouclée, le système a la tête sous l'eau
Et les jeunes sont saoulés, salis sous le silence, seule issue la rue même quand elle est en sang
C'est pas un souci pour ceux qui s'y sont préparés et si ça se peut, certains d'entre eux même s'en sortiront mieux
Mais pour les autres, c'est clair, ça sera pas facile, faut pas s'voiler la face, il suffit pas d'vendre des kil'
Faut tenir l'terrain, pour l'lendemain, s'assurer qu'les siens aillent bien, éviter les coups d'surin
Afin d'garder son bien intact, son équipe compacte, soudée, écoute de scanner pour garder l'contact
Ou décider d'bouger, éviter les zones rouges et surtout, jamais prendre de congés
C'est ça qu'tu veux pour ton fils ? C'est comme ça qu'tu veux qu'il grandisse ?
J'ai pas d'conseil à donner mais si tu veux pas qu'il glisse
Regarde-le, quand il parle, écoute-le, le laisse pas chercher ailleurs l'amour qui devrait y avoir dans tes yeux

Kool Shen & Angie
(Refrain:)
Laisse pas traîner ton fils (Laisse pas traîner ton fils)
Si tu veux pas qu'il glisse, qu'il te ramène du vice
Laisse pas traîner ton fils (Laisse pas traîner ton fils)
Si tu veux pas qu'il glisse

JoeyStarr
Putain, c'est en me disant : "J'ai jamais demandé à t'avoir !", c't avec ces formules, trop saoulé, enfin faut croire
Que mon père a contribué à me lier avec la rue, j'ai eu l'illusion de trouver mieux, j'ai vu
Ce qu'un gamin de quatorze ans, avec le décalage de l'âge peut entrevoir, c'était comme un mirage
Plus d'interdit, juste avoir les dents assez longues pour croquer la vie, profiter de tout c'qui tombe
La rue a su me prendre car elle me faisait confiance, chose qui avec mon père était comme de la nuisance
Aucun d'entre nous n'a voulu recoller les morceaux, toute tentative nous montrait qu'on avait vraiment trop d'ego
Mon père n'était pas chanteur, il aimait les sales rengaines, surtout celles qui vous tapent comme un grand coup d'surin en pleine poitrine
Croyant la jouer fine, il ne voulait pas, ne cherchait même pas à ranger ce putain d'orgueil qui trancha les liens familiaux chaque jour, un peu plus
J'avais pas l'impression d'être plus coté qu'une caisse à l'Argus
Donc j'ai dû renoncer, trouver mes propres complices, mes partenaires de glisse, désolé si j'm'immisce

(Refrain:)
Laisse pas traîner ton fils (Laisse pas traîner ton fils)
Si tu veux pas qu'il glisse, qu'il te ramène du vice
Laisse pas traîner ton fils (Laisse pas traîner ton fils)
Si tu veux pas qu'il glisse

Kool Shen
Que voulais-tu que ton fils apprenne dans la rue ?, quelles vertus croyais-tu qu'on y enseigne ?
Mais t'as pas vu comment ça pue dehors, mais comment ça sent la mort ?
Quand tu respires ça, mec, t'es comme mort-né
Tu finis borné à force de tourner en rond, ton cerveau te fait défaut, puis fait des bonds
Et c'est vraiment pas bon quand t'en perds le contrôle, quand pour les yeux des autres, tu joues de mieux en mieux ton rôle
Ton rôle de caille-ra, juste pour ne pas qu'on te dise : "Voilà, tu fais plus partie d' la mille-fa d'en bas"
C'est dingue mais c'est comme ça, sache qu'ici-bas, plus qu'ailleurs, la survie est un combat
À base de coups bas, de coups de ton-bâ, d'esquives, de "Paw !" de putains de ston-ba
Laisse pas traîner ton fils si tu veux pas qu'il glisse, qu'il te ramène du vice, non laisse pas traîner ton fils

(Refrain:)
Laisse pas traîner ton fils (Laisse pas traîner ton fils)
Si tu veux pas qu'il glisse, qu'il te ramène du vice
Laisse pas traîner ton fils (Laisse pas traîner ton fils)
Si tu veux pas qu'il glisse

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Ce texte est sans doute l'un des plus réussis du groupe. Loin des incitations à la haine et des textes sans concessions qui avaient fait leur réputation, et les avaient imposés comme leaders du rap Hardcore, les deux compères faisaient preuve d'une modération et d'un sens de la responsabilité qu'ils avaient rarement atteints.
Alors que jusqu'à présent leurs revendications s'étaient surtout adressées aux hommes politiques (ceux qui peuvent régler les problèmes en France), le groupe changea cette fois-ci radicalement de direction et choisit de s'adresser aux habitants mêmes des banlieues, à ceux qui étaient à la fois les responsables et les victimes de la situation difficile de ces zones (c'est à dire le cœur du problème).
C'est ce changement radical de direction qui fera surement dire aux médias que le groupe était en pleine maturation et qu'il était devenu bien plus intelligent. Mais, loin d'apprécier le compliment et soucieux de montrer qu'ils n'avaient pas baissés leur pantalons pour mieux plaire aux médias, le groupe rejeta avec violence ces critiques positives en soulignant l'hypocrisie des journalistes et en faisant remarquer que, depuis qu'ils avaient eu du succès, le sigle "ntm" était devenu un phénomène à la mode et qu'il était hypocrite de venir féliciter le groupe maintenant alors que, six ans plus tôt, ils avaient déjà réalisés des titres de même envergure et tout aussi intelligents tels que "Le monde de demain".
Il est sûr en tout cas que ce tube, l'un des plus gros du groupe, est fortement à l'origine du blason redoré qu'il acquis à cette époque : des titres comme "Pose ton Gun" ou celui-ci ont largement contribués à ce que NTM soit nominé aux victoires de la musique l'année suivante et perde un peu de sa mauvaise réputation

Couplet 1 : Kool Shen

Il dit ici qu'en ce début de XXI siècle (nous somme alors en 1998) pour les jeunes la situation n'est plus la même qu'avant, que ce soit pour ceux qui bossent bien et ont envie de s'en sortir que pour ceux qui ne travaillent pas et qui n'en ont rien à faire de gagner honnêtement leur vie. D'ailleurs même s'ils cherchaient il dit qu'il n'y a plus de boulot et que le système coule complètement tellement il est mauvais. A la fois agacés et lassés de cette situation, les jeunes préfèrent tout simplement ne pas travailler, ne pas chercher de boulot et se tournent vers la rue, en croyant sans doute que dealer et se faire du fric facilement est plus sécurisant pour l'avenir que de travailler dur et de se retrouver au chômage. Kool Shen dit même que certains s'en sortiront mieux comme ça, mais il sait que des personnes resteront à l'écart et qu'elles ne sont pas faites pour la vie difficile des banlieues : dealer, s'approprier une clientèle, éviter de se faire agresser, garder ses potes de son coté, ne jamais prendre de repos et relâcher son trafic... Il finit par s'adresser aux parents des banlieues en leur demandant si c'est vraiment ça qu'ils veulent pour leurs enfants et s'ils ne feraient pas mieux de s'occuper d'eux et de faire attention à leur éducation.

Refrain : Kool Shen (x2)

Laisse pas trainer ton fils,
Non laisse pas trainer ton fils
Si tu veux pas qu'il glisse
Qu'il te ramène du vice

Couplet 2 : JoeyStarr

Il poursuit ici sur la lancée de Kool Shen et explique que lui-même n'a pas eu de relations privilégiées avec son père, qui lui rabâchait souvent à l'oreille qu'il regrettait de l'avoir eu. Totalement déstabilisé par cette absence d'affection il s'est tourné vers la rue et à finit par s'attacher à elle, car dans la rue l'autorité parentale n'existe pas, c'est la loi du plus fort qui prédomine et, quand on a un écart de mentalité si important que le sien, on n'a plus qu'a profiter de toutes les opportunités qui se présentent. Mais au final cette liberté n'était qu'un mirage, puisqu'elle menait tout droit à la délinquance. La vie dans la rue lui a donc plus dans un premier temps mais il est vite retourné à la réalité et à chercher à se réconcilier avec son père. Mais ce dernier, ne voulant pas mettre de coté son orgueil et croyant se montrer malin, finissait peu à peu par dégrader les liens familiaux. Finalement ils n'ont jamais pu s'entendre car leurs égos étaient trop forts, Joey se sentait encore moins aimé qu'une vulgaire caisse de marchandise et a finit par renoncer à l'amour envers sa famille. C'est en se réfugiant dans la liberté apparente de la rue et en se trouvant des amis aussi subversifs que lui qu'il a chercher à oublier ce manque d'amour paternel.

"J'ai eu l'illusion de trouver mieux, j'ai vu
Ce qu'un gamin de quatorze ans, avec le décalage de l'âge
Peut entrevoir, c'était comme un mirage"

"La rue a su me prendre car elle me faisait confiance
Chose qui avec mon père était comme de la nuisance"

En quelque sorte le couplet entier de JoeyStarr est une illustration concrète de ce que Kool Shen disait dans le premier couplet, et on s'aperçoit ainsi que leurs propos sont fondés et que la principale cause de la délinquance reste les dissensions familiales, qui poussent les jeunes à rester enfermer dans leur monde de liberté et de violence, loin de l'autorité et parfois de la brutalité des parents.

"Donc j'ai dû renoncer, trouver mes propres complices
Mes partenaires de glisse"

On remarque d'ailleurs que Joey reprend la formule du refrain pour bien faire comprendre que les amis qu'il s'est fait dans la rue étaient avant tout des délinquants qui, comme lui, multipliaient les délits.

Refrain : Kool Shen (x2)

Couplet 3 : Kool Shen
Il interpelle de nouveau les parents des banlieues en leur demandant qu'est ce qu'ils voulaient que leurs fils apprennent dans la rue, s'ils croyaient vraiment qu'on lui apprendrait quelque chose de positif. Il leur demande s'ils se rendent bien compte de la dangerosité et de l'esprit malsain qui règnent quelque fois dehors, s'ils se rendent compte de l'impact que cela peut avoir sur les jeunes. Se sentant obligés de faire des conneries juste pour plaire à leur potes et pour conserver leur appui, Kool Shen dit que les jeunes finissent par changer complètement et évoluent de plus en plus négativement jusqu'à devenir de vrais "cailleras". C'est de cette façon, en se faisant "embrigader" dans la délinquance par l'effet de groupe et les pressions des autres, que les jeunes perdent tout leur esprits et deviennent véritablement des délinquants. Kool conclut en disant que dans ce bas monde qu'est la cité, plus qu'ailleurs survivre est un vrai combat et sous-entend qu'il est presque indispensable de s'imposer autrement que par la violence, puis il répète une ultime fois aux parents de ne pas laisser leurs fils seuls dans la rue et de mieux veiller à leur éducation.
Refrain : Kool Shen (x 6, en s'estompant peu à peu jusqu'à ce qu'on entende plus rien)