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Paroles de la chanson «Freddie Mercury» par Florent Marchet

J'avais quinze ou seize ans
C'était la rentrée au lycée
Tu t'es avancé vers moi
T'Ă©tais mince, assez grand
Tu m'as dit ton nom
Que tu v'nais d'arriver
Qu'avant t' habitais dans l' Nord
Pas trĂšs loin d'Arras
Le nom d' la ville ne m' disait rien
J' me rappelle de toi, d'une veste délavée
D'un jean un peu crado
Cheveux blonds, assez longs
En tout cas pour un garçon

Au moment d' la sonnerie
Tu m'as offert une Lucky
On est restés un peu
À la grille à cloper
J'Ă©tais bien
Pour une fois j' me sentais drĂŽle
Parce que tu riais
D'ailleurs tu riais facil’ment
La main d’vant la bouche
Pour mieux cacher tes dents
Les autres y’ t'app’laient John
Et aussi beatnik
À cause de tes lunettes
Elles Ă©taient rondes et petites
Toi tu t'en foutais bien
Moi j' me disais ça y est
J'ai enfin trouvé un allié

On allait souvent chez toi
Une cité HLM
J' me souviens d'un lac
De quelques immeubles
Et des types en jogging
Qui fumaient sur un banc

Chez toi, ton pùre y’ parlait peu
Avec lui on buvait
D' la biÚre et du rosé
Achetés chez Lidl
À deux pas d' l'appart
On passait des heures
Dans l’ canapĂ© bleu tout dĂ©foncĂ©
On partageait les Ă©couteurs
Lou Reed, Sheller, Ferré
Presque aucun truc récent
Nick Drake Ă©videmment

Le salon sentait bizarre
La levure ou l’ curry
TrĂšs souvent des odeurs de friture
C'est ton pĂšre qui cuisinait
J' me souviens, il faisait mĂȘme son pain
Tu habitais au rez-d’ -chaussĂ©e
C' tait pas bien grand
Il faisait toujours sombre
À cause des rideaux fermĂ©s
C' tait pas un problĂšme
Nous on aimait bien
Et on restait quand mĂȘme

Pourtant avec ta mĂšre
C'Ă©tait pas la fĂȘte
Elle criait tout l' temps
Toi tu m’ disais
C'est rien quand t' es lĂ 
Elle s' retient
Ses yeux Ă©taient bizarres
Couleur d'huĂźtre, vert serpent
On aurait dit qu'elle Ă©tait folle
Toujours un peu ahurie
D'ailleurs quand j'y r’pense
Elle était vraiment cinglée
Partout sur sa peau elle avait fait tatouer
Le nom et le visage de Freddie Mercury

Quand ta mĂšre Ă©tait lĂ 
On s' tenait Ă  carreaux
Heureus’ment, la plupart du temps
Elle dormait dans la chambre
Parce que toute la nuit elle Ă©tait sortie
Au Pacific Club avec des amis
Toi tu savais bien qu'elle avait pas d'amis
Tu f’sais comme si, d'ailleurs on n'en parlait pas
Parfois elle Ă©tait gentille
Elle venait s'asseoir sur le canapé
Elle Ă©tait maigre comme toi
Alors elle me fixait, moi j'aimais pas tell’ment ça
Elle nous parlait d' sa jeunesse
Ton pĂšre l'Ă©coutait, il ne disait rien
Il avait pas intĂ©rĂȘt, j' crois qu'il s'en foutait
Elle racontait toujours la mĂȘme histoire
La rencontre dans un train
Avec un chanteur connu dans les années 80
Elle aurait pu l' suivre pour de bon
Si ma mémoire est bonne, c'était Yves Simon
Parfois moi j' lui parlais
Mais pas trop longtemps
Un peu comme un défi
Aussi pour ĂȘt’ poli
J' faisais bien attention
Fallait pas dire du mal
De Freddie Mercury

Fin juin, on n'avait presque plus cours
On est restés au bord du lac à boire des biÚres piquées au pÚre
J' t'ai parlé d' mes vacances
À cĂŽtĂ© d' Palavas
Tu m'as dit moi tu sais
J'ai jamais vu la mer
Et j' sais pas nager
Pourtant Arras c'Ă©tait pas bien loin d' la Manche
J'Ă©tais allĂ© r’garder
Tu m'as dit justement
Que t'allais sans doute déménager
Retourner lĂ -bas
Que ta mĂšre elle s'en foutait si t'arrĂȘtais l'Ă©cole
Qu'elle voulait qu’ tu restes avec elle
Mais que toi, tu donnerais cher pour aller Ă  la fac
Que c'Ă©tait ton truc, les bouquins, la philo
Quitte à trouver un p’tit boulot
T'avais pas l'air en forme
J'ai rien dit, j'ai r’gardĂ© ton front
T' avais un bleu Ă©norme

Deux jours plus tard
Ta mĂšre a lancĂ© une caf’tiĂšre brĂ»lante sur ton pĂšre
C'est passé à ça d' ton visage
Y avait des Ă©clats d' verre partout
Elle disait qu' ton pĂšre Ă©tait minable
Qu'elle aurait jamais dĂ» avoir de gosses
Qu'elle allait s' foutre en l'air, se j’ter sous un train
Elle a balancĂ© une chaise par la f’nĂȘtre, aussi des assiettes
Des dictionnaires ou des encyclopĂ©dies, tout c’ qui lui tombait sous la main
Elle a griffé ton pÚre, à la joue, sur le bras
Toi ça t’ faisait rire de m’ raconter ça
Elle avait dit aussi qu'elle communiquait avec lui
Qu'elle voyait son esprit
Que jamais y’ s’rait devenu pĂ©dĂ©
S'il l'avait rencontrée
Elle parlait bien sûr de Freddie Mercury

Le lend’main, j'ai sonnĂ© chez toi
Mais personne m'a ouvert
DerriĂšre la porte
Ta mĂšre qui hurlait
Et la musique Ă  fond
Elle me traitait d' pédale
Tout ça s' mélangeait
Les cris, Bohemian Rapsody
Alors j' suis reparti, j'ai traversé la cour
J'ai marché pas longtemps, jusqu'à l'abribus
Et tu m'as rattrapé, t'en fais pas
Reviens dans deux jours, le temps qu'elle se calme
Tu m'as dit ça et j' suis sûr, que si t'avais pu
T' aurais pleuré dans mes bras

Ensuite, silence radio
À l'Ă©poque on n'avait pas d' portable
Seul’ment un fixe, parfois un rĂ©pondeur
Mais lĂ  c' tait pas l' cas
J'app’lais tous les jours
Le matin, le soir
Ça sonnait dans l’ vide
DĂ©but juillet, avant Palavas
J’ suis passĂ© devant l'immeuble
Devant l' numéro 12
Les stores étaient baissés
La sonnette marchait plus
Et sur la boĂźte aux lettres
Y' avait mĂȘme plus ton nom
J' t'ai jamais revu et des années aprÚs
J' pense encore Ă  toi
À ton jean dĂ©lavĂ©, Ă  ton corps efflanquĂ©
À ton rire, Ă  la musique qu'on Ă©coutait
Aucune trace de toi, nulle part
Pourtant j'ai cherché, ouais j'ai cherché
Mais oĂč qu’ tu sois,
J’ pense souvent à toi,
T' es vivant comme ça
T' es vivant comme ça
Et quand j'Ă©coute la voix
De Freddie Mercury
Promis j' me moque pas,
Promis j' me moque pas

 
Publié par 36714 4 4 6 le 28 octobre 2022 à 7h14.
Garden Party
Compositeurs : Florent Marchet
Auteurs : Florent Marchet
Chanteurs : Florent Marchet
Albums : Garden Party

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