J'en ai assez de raconter ces trous Ă merde oĂč l'on s'accroupit en grelottant.
Ăa nâ m'amuse pas.
Moi aussi j'aime bien les analyses subtiles et les angoisses distinguées.
J'aime bien la poésie.
J'en ai rempli des cahiers, de poésie.
Mais c'Ă©tait dans un autre monde.
Tout s'est simplifié depuis.
Yâ a pas dâ pain chez nous, pas dâ pain et pas dâ chansons,
Yâ en a chez la voisine, mais ça n'est pas pour nous
Yâ a pas dâ pain chez nous, pas dâ pain et pas dâ chansons,
Yâ en a chez la voisine, mais ça n'est pas pour nous.
Ăa n'est pas pour nous, les tourments de l'exil et les tristesses dĂ©coratives.
Nous n'y avons pas droit.
Il n'y a pas plus pour nous que ces débats dérisoires avec notre corps.
La vie du corps envahit toute la vie.
C'est ainsi.
Toute la vie ou presque.
à peine s'il reste encore quelques vieux souvenirs effilochés.
Et ils finiront bien par s'user tout Ă fait eux aussi,
Il ne restera rien quâ le corps,
Ses démangeaisons,
Ses coliques,
Ses constipations,
Ses hémorroïdes,
Ses poux et ses punaises,
Ce qu'on met dâdans, ce qui en sort,
Ce qui l'attaque, ce qui le ronge, ce qui le détruit.
Nous n'aurons mĂȘme plus de passĂ©.
Il se décolore de jour en jour, notre passé,
Il se rĂąpe et se troue.
Il faut défendre ses souvenirs comme sa veste ou sa chemise,
Et quand-mĂȘme, ils se dĂ©gradent et se dĂ©font.
Cela semblait solide pourtant, et bien Ă nous.
On croit qu'on emporte ses souvenirs avec soi,
Qu'ils battent en nous comme notâ cĆur,
Comme notâ vie.
Câ nâest pas vrai.
On croit qu'on emporte ses souvenirs avec soi,
Qu'ils battent en nous comme notâ cĆur,
Comme notâ vie.
Câ nâest pas vrai.
Dans cet univers abstrait de la captivitĂ© oĂč tout ce qui avait Ă©tĂ© marquĂ© par nous,
Tout câ qui portait nos traces,
Nous est enlevé à la fois,
Notre passĂ© nous dâvient Ă©tranger, nous quitte, s'en va en lambeaux.
Certains aiment autant qu'il en soit ainsi.
Que tout foute le camp, le passé, le regret, l'espoir.
On sâra bien dĂ©barrassĂ©s.
Et d'autres s'entĂȘtent Ă soutenir leur passĂ© comme un noyĂ© au-dessus de l'eau.
Au moins, ne pas renoncer à défendre ça.
à défendre l'image d'un écolier en pÚlerine,
Le dessin d'une nappe,
Un visage,
Le pli d'un sourire,
Le poids exact d'un regard.
à défendre l'odeur d'une chevelure ou d'une robe,
L'odeur d'un corps dans lâ sommeil ou dans l'amourâŠ
Quelquefois, un type se met Ă ronfler.
Un autre ronflement répond.
On suit avec une attention exaspérée cet absurde dialogue.
Ăa semble prĂšs de finir, on se croit dĂ©livrĂ©, et ça repart de plus belle.
Alors, des protestations naissent.
Et les cris réveillent les dormeurs qui crient à leur tour.
La nuit mĂȘme ne nous protĂšge pas des autres.
Il n'est pas de refuge.
Si seulement on pouvait compter sur du bon sommeil bien lourd,
Bien massif comme une soupe paysanne.
Mais il y a toujours des portes qui claquent, des voix, des pas.
On remue.
On émerge d'une déroute de villes, de visages.
On se retourne prudemment.
On retrouve sa courbature, son froid, sa crampe.
Des phrases sans contour roulent dans la tĂȘte,
Bouts dâ chansons, mots perdus, sauvĂ©s,
Perdus.
Des phrases sans contour roulent dans la tĂȘte,
Bouts dâ chansons, mots perdus, sauvĂ©s,
Perdus.
Des phrases sans contour roulent dans la tĂȘte,
Bouts dâ chansons, mots perdus, sauvĂ©s,
Perdus.
Des phrases sans contour roulent dans la tĂȘte,
Bouts dâ chansons, mots perdus, sauvĂ©s,
Perdus.
SĂ»râment il y a quelque chose qui m'Ă©chappe.
Quelque chose de trĂšs important.
Je mâ retourne.
J'ai l'estomac aigre et brûlant.
Ăa vient de la saletĂ© de graisse qu'ils nous donnent Ă bouffer.
Et puis trop de conserves.
Manque de vitamines.
Quoique tout câ qu'on raconte sur les vitaminesâŠ
Je mâ retourne.
Ma main rĂŽde sur mon corps.
TĂąte ma cuisse, mon ventre, frĂŽle mon sexe.
Comme sa main Ă elle autrefois.
Dans nos nuits.
Poids Ă©norme de sa tĂȘte contre moi.
Chaleur le long de moi de ses jambes longues.
Ne pas penser à ça, bon dieu.
On entendait, dans une cour, le rideau de fer d'un garage qu'on fermait.
Le rire idiot d'un homme Ă travers les Ă©tages.
Ne pas penser à ça.
Ne pas penser.
Ne pas bouger.
Surtout ne pas bouger, pour rejoindre le pays sans mémoire, sans questions.
Pour mériter la paix minérale du sommeil.
Surtout ne pas bouger, pour rejoindre le pays sans mémoire, sans questions.
Pour mériter la paix minérale du sommeil.
Surtout ne pas bougerâŠ
Le matin vient.
Une lumiÚre épaisse et rechignée tùtonne parmi les formes confuses.
Elle tire du noir, lentement, des espÚces de décombres.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
Cela devient des linges pendus, des escabeaux renversés, des planches.
Cela devient des hommes couchés.
Cela devient les gens d'ici.
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