Il se pourrait que je sois un changelin car aucun de mes ancĂȘtres nâa jamais eu cet Ćil brun crevant de vert au soleil. Je nâai nulle part trouvĂ© dâintelligence ou dâidiotie comparable Ă la mienne et, aprĂšs tant dâannĂ©es, je peine encore Ă me retourner lorsquâon mâappelle. Mes grains de beautĂ© changent de place, surtout la nuit, lorsque lâocĂ©an se dĂ©chaĂźne. Il mâarrive aussi de danser Ă propos de sculpture ou de me tenir en dĂ©sĂ©quilibre au sommet de grimoires empilĂ©s. Mon analphabĂ©tisme nâest pas un problĂšme.
Inutile de miauler, je comprends le silence des chats.
Il est possible que je sois un changelin car je suis capable de compter sur mes doigts jusquâĂ lâinfini. Bien des choses mâĂ©chappent, comme ce verre de cristal si soudain. Mais il ne tombe pas, il sâĂ©lĂšve brusquement vers le sol. Mes pieds sont en sang, il ne sâest pas brisĂ©. Un jour, on mâa ordonnĂ© de faire comme tout le monde. En observant mes semblables, je me suis donc mis Ă tapisser mes poches de papier, mais je suis restĂ© nu. Jâignore lâart du mimĂ©tisme.
Pour me parler de philosophie, il faut aboyer trĂšs fort.
Câest certain, je suis un changelin car je mâĂ©tonne toujours de voir les coquilles dâĆuf jetĂ©es au feu. De plus, jâai peur du fer et de tous les mĂ©taux qui mâĂ©voquent la guerre. Instinctivement, les hommes mâĂ©vitent. Seules les bĂȘtes supportent ma prĂ©sence car je porte leur odeur. Nâayant pas rĂ©ussi Ă rassembler les rameaux dâor pour faire mon nid, je me suis enfui. Oui, fini les rites secrets au sommet des collines. Je suis passĂ© en sens inverse Ă travers les pierres creuses. Mais maintenant, suis-je chez moi ?
Tu peux siffler, je connais la langue des oiseaux.
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