Jâai connu un homme-mouton qui vantait avec conviction
Le chaud réconfort du troupeau, la modestie des idéaux.
Cet animal de bon conseil me bĂȘla sa morale Ă lâoreille
Et dâune leçon salutaire, il exalta lâinstinct grĂ©gaire :
« Le conformisme pour habitude, câest le secret de la quiĂ©tude »
Me dit ce mouton anonyme suivi du troupeau unanime,
« Sois de lâavis du plus grand nombre et mĂšne ta vie sans encombres
Le nombre est la force dâun troupeau, lâuniformitĂ© son credo »
Vous permettrez que je mâinsurge : le sort des moutons de Panurge
Nâest pas le futur que jâescompte, outre lâabattoir et la tonte.
Quand je contemple mes prochains, je nâ leur trouve pas lâair trĂšs humains.
Aurais-je la vue la vue anormale ? Je leur trouve un air animal.
Un air animal.
Jâai connu des hommes-cochons qui vantaient avec componction
La saine justice libérale, le lucre pour seul idéal.
Ils fouillaient dans lâimport-export lâauge dâun profit sans remords
En sâĂ©tranglant quâon mĂ©prisĂąt leur suffisance et leur bon droit.
Tous nâĂ©taient pas gros et gras, tous y aspiraient en tout cas
Et nul ne songeait Ă mal en mettant la planĂšte Ă poil.
Lâon mâoffrit un siĂšge Ă leur table, un cochon nâest pas responsable,
Petit Ă©crou dans la machine, il couine quand on lâincrimine.
Craignant que cela nâ mâembarrasse de ne plus me voir dans la glace
Je laisse ces légales crapules à leurs ambitions sans scrupules.
Quand je contemple mes prochains, je nâ leur trouve pas lâair trĂšs humains.
Aurais-je la vue la vue anormale ? Je leur trouve un air animal.
Un air animal.
Jâai aussi rencontrĂ© des loups, ces chiens que lâon a rendus fous
Et eux ne vantaient rien du tout que la force et les mauvais coups,
Aboyant : « il ne faut pas croire, la justice, câest des histoires,
La loi du plus fort, il faut lâadmettre, est la seule loi Ă connaĂźtre »
Ils hurlaient Ă la sociĂ©tĂ© leur bonheur dâen ĂȘtre Ă©cartĂ©s,
Tout en se cherchant un bon maĂźtre pour les aimer et les soumettre.
Ils font les bons petits soldats, les terroristes et les malfrats
Et mâinvitĂšrent avec entrain Ă brutaliser mon prochain
Mais malgrĂ© quelque sympathie, jâavoue, je ne fus pas conquis
Car devenir un loup pour lâhomme nâest pas la libertĂ© en somme.
Quand je contemple mes prochains, je nâ leur trouve pas lâair trĂšs humains.
Aurais-je la vue la vue anormale ? Je leur trouve un air animal.
Un air animal.
Quand je contemple mon nombril, je nâ me trouve pas lâair plus civil.
Je nâai pas la vue anormale : moi aussi, jâai lâair animal.
Dâailleurs souvent je me surprends Ă rĂ©agir bĂȘtement ;
Au bestiaire des vices ici-bas, je nâai que lâembarras du choix
Mouton, cochon ou loup â ma foi â jâai bien peur dâĂȘtre un peu les trois,
Mouton, cochon ou loup â ma foi â jâai bien peur dâĂȘtre un peu les trois.
Les hommes, en somme, ne changent guĂšre et ne rĂ©pugnent quâĂ la misĂšre,
Les hommes, en somme, ne changent guĂšre et ne rĂ©pugnent quâĂ la misĂšre.
QuâĂ la misĂšre.
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