Il boit pour oublier, câest ce quâil dit toujours
Mais ça fait des annĂ©es quâil ne se souvient plus,
De rien du tout ou presque : il est saoul tous les jours ;
Sa mĂ©moire ne gĂȘne plus, sa mĂ©moire il lâa bue.
Il boit pour oublier quâil va en boire un autre
Et quâune fois terminĂ©, il va continuer
Et il boit Ă tue-tĂȘte, Ă en pĂ©ter les verres
Ă pisser des riviĂšres et vomir des tempĂȘtes.
Il boit comme un boxeur, sur le ring chaque soir,
Il boit contre la montre, il boit pour le comptoir,
AssommĂ© dâun combat oĂč compte chaque coup
Et jusquâau coup de cloche il va rester debout.
Il esquisse parfois un maigre pas de danse
Fredonnant pour lui seul une vague romance.
Il sâavance et il trĂ©buche comme un soldat qui tombe
Mais il ne tombe pas et continue sa ronde.
Tous les soirs, quand lâhorloge marque onze heures et quart,
Il sursaute un instant, retrouve la mémoire ;
Il se recroqueville, murmure un nom de femme
Puis regarde lâaiguille comme un train qui sâĂ©loigne
Plus ivre de boucan, tout Ă coup, que de biĂšre,
Il maudit en gueulant tous les cons de la terre
Et puis le regard noir, puis la nuque tendue,
Il trinque à la mémoire des amitiés perdues.
Trop saoul pour ĂȘtre fier et trop fier pour ĂȘtre fort,
Il dit quâil craint bien plus la mĂ©moire que la mort,
Il dit quâ câest la vie et que la vie, câest amer,
Il siffle dâun coup le fin fond de son verre.
Puis il rentre chez lui, il boĂźte jusquâĂ demain,
Par de longs raccourcis dans le demi-matin.
GrisĂ© des verres de gris, les rĂȘves au fond du ventre,
Je me souviens moi-mĂȘme quâil faudrait que je rentre.
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