On se dirige ensuite vers Harlem. Ă 19h
Lâoffice protestant commence dans un temple
tout Ă fait moderne et particuliĂšrement laid.
La mercatique est partout et les américains
savent y faire pour allĂ©cher lâ chaland :
des enceintes devant lâĂ©glise retransmettent
la cérémonie, le gospel bat son plein et
des hommes de paroisse nous remettent
des fascicules sur le bien, le mal et Satan
avant que nous nous asseyions sur le banc
des communiants. Il nây a que des noirs dans
lâassemblĂ©e hormis un groupe de touristes
espagnols. Sur la scĂšne, quatre choristes font
des harmonies de spiritual derriĂšre un pasteur
amplifié qui harangue les fidÚles. Le pasteur
parle vite et je ne comprends pas tout au milieu
des amen... Amen... Amen ! Il dit peut-ĂȘtre
quâaujourdâhui rien de ce que tu penses ne
mérite le nom de fleur mais demain, demain !
Demain tu tâĂ©veillâras sans doute sous un arbre
fruitier, comme jadis Jonas sous le ricin. Il dit
câ nâest pas le froid mais la honte qui a donnĂ©
le manteau. Quâun quidam marchait droit mais
quâĂ cause de la mer il sâest assis. Que tout est
aigre-doux comme chez lâ traiteur chinois !
Et quâil faut honorer le nom dâ son pĂšre.
Je nâ comprends pas tout.
Je crois voir une déesse de muscles et
de courbes quand il dit que les statues aussi
verdissent et que leurs couronnes sont
un perchoir pour les pigeons. Que jalouser
lâĂ©ternitĂ© des statues câest envier la fiente
sur leurs Ă©paules et celle qui jonche
leur piédestal. Alors je pense à la déesse nue
et je vois léviter prÚs de sa chevelure
un moineau écarlate. Je vois la déesse nue
et ses fesses qui avant dansaient.
Puis la nuit tombe
Dans le mobile on a traversé les ùges
La fille est partie
Harlem
Harlem
CâĂ©tait presque hier
Puis la nuit tombe
Dans le mobile on a traversé les ùges
La fille est partie
Harlem
Harlem
CâĂ©tait presque hier
Times Square est autour
On descend
On a du mal Ă croire Ă une ferveur aussi
démonstrative. Qui ne ressemble pas,
dâailleurs, Ă cette ferveur contagieuse que
je connais, celle des baisers véritables.
Le spectacle ecclĂ©siaste ne touche pas au cĆur,
il divertit et tout le monde chante. Et tout
le monde chante.
Est-ce la ClartĂ© ou rien quâ de lâespace aprĂšs un
massacre ? dit-il. A-t-on coupé, brûlé
des arbres, pour avoir cette clairiĂšre-lĂ , comme
une piscine dans le jardin dâun pavillon
dâ banlieue ? Ou bien sommes-nous tombĂ©s
dessus, par hasard ? Fausse piste, trouvaille.
Dilemme, tenaille. Ăcrou, ciel, muraille et des
pensées que je réprouve à un cheveu.
Ă un cheveu de lâavoir fait dit-il. Enfer,
paradis : un dĂ©tail. Promânade de santĂ©,
bercail. Et de quoi déchanter, toujours,
Ă un cheveu.
Il parle à présent de rachat. à la foire tout
est Ă portĂ©e dâ main alors je chante aussi.
This morning when I woke up Jesus was
on my side, on my side. On my side.
Puis la nuit tombe
Dans le mobile on a traversé les ùges
La fille est partie
Harlem
Harlem
CâĂ©tait presque hier
Puis la nuit tombe
Dans le mobile on a traversé les ùges
La fille est partie
Harlem
Harlem
CâĂ©tait presque hier
Times Square est autour
Puis dâautres intervenants se sont mis Ă parler.
Lentement. Sans mouvements. Alors on est parti
avant la fin. Les touristes ont vu
ce quâils voulaient voir. Câest comme ça,
un zoo lâĂ©tranger, un circuit. Les mĂȘmes
souvenirs pour tous les vacanciers. On voit
du folklore partout mais les abribus et le ciel
sont partout les mĂȘmes.
On traverse New-York en shuttle. Dans lâengin
une gamine de dix-sept ans pas plus aux raides
et longs cheveux noirs discrĂštâment
me regarde. Il est joli son regard noir, défiant
et apeurĂ©. Le soleil tape sur les terres que lâon
traverse. Le paysage est de poussiĂšre, aride.
La nymphette latine, un bus bringuebalantâŠ
Dans la sécheresse alentour
câest un pays tropicalâŠ
Puis la nuit tombe. Dans le mobile on a traversé
des Ăąges et des Ăąges et des Ăąges. La fille
est maintenant partie. Loin. Descendue.
Sâallonger sous le ricin de Jonas. Je penseâŠ
Harlem. Harlem⊠CâĂ©tait presque hier.
Times Square est autour à présent.
On descend.
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