Quand ils viennent au monde ils sont Bleus,
ĂtranglĂ©s par l'ombilical,
C'est sûrement qu'ils veulent se pendre,
Puisque les ventres, à s'y méprendre,
Ressemblent Ă des pierres tombales.
Mais bon ils ouvrent des yeux Bleus,
PrĂȘts Ă manger la vie quand mĂȘme,
PrĂȘts Ă gober ce qu'on prĂ©mĂąche,
Qu'il faut se tuer Ă la tĂąche,
Et non pas mourir en bohĂšme.
Puis ils grandissent sous un ciel Bleu,
Coincés entre ça et la Terre,
leurs tĂȘtes pleines comprennent vite,
qu'une fois vidée, comme un rite,
Leur poussiĂšre rejoindra l'Ă©ther.
Et trop vite des cernes Bleues,
Soulignent leur regard malade,
Les vapeurs, les nuits qui pĂąlissent,
L'alcool, le goût du cannabis,
Rendent la fuite un peu moins fade.
Au creux des bras des veines Bleues,
Tambourinent les corps en musique,
Rien de royal car le sang froid,
Fait souvent taire le cĆur qui bat,
Laissant l'Ă©motion sous plastique.
Alors fleurissent des peurs Bleues,
Qui n'osent que les aventures,
Croyant que c'est la découverte,
Et qu'en se fermant Ă la perte,
Elles feront preuve d'ouverture.
Vient le temps de porter le Bleu,
Travailler, perdre tout le jour,
Prétextant ma foi qu'il faut vivre,
Subir le regret qui enivre,
Profiter d'un repos trop court.
Mais dégainer la carte Bleue,
Braquer les caisses des marchés,
Ăpongera toute la rancĆur,
Qu'ils vouaient Ă leurs employeurs,
Car le liquide assĂšche l'abcĂšs.
Dans le bureau des Ă©crans Bleus,
Projettent un avenir figé,
Cachant encore de l'Ă©nergie,
En criant "Silence ci-git,
Un peu d'humain dévisagé".
A force d'ĂȘtre pris pour des Bleus,
Ils oublient mĂȘme qu'on peut faire grĂšve,
Qu'on peut vivre en faisant du bruit,
L'espoir manu militari,
Mais tarit tant, c'est bien qu'il crĂšve.
Donc leurs femmes aussi ont des Bleus,
Car ils aiment avec des coquards,
Panser les plaies et les pensées,
Soigner leurs ambitions frustrées,
Ligoter l'amour au brancard.
Autour d'eux il n'y a que du Bleu,
Pour assurer bien que la norme,
Permette Ă chacun de se croire,
Ătre une partie de l'histoire,
Protéger l'idée uniforme.
Dans les cathédrales, du Bleu,
Des vitraux colorent la pierre,
Un peu comme les citations,
Peuvent feindre la réflexion,
Et faire office de cache-misĂšre.
Mais finalement ils sont tous Bleus,
LĂšvres inertes et sans envies,
Quitte Ă parler pour ne rien dire,
Qu'attendaient-ils pour en finir,
PlutĂŽt que d'exister sans vie?
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