Puisqu'on m'a demandé de tenir son bras
Et de voir l'aiguille s'enfoncer,
On n'a pas toujours de la chance
On se penche, on tombe, on avance.
On enfile le manteau rouge, et les arbres bougent et le ciel va tomber.
On sait pas demain, quel jour, quelle heure, ça va s'arrêter.
On se cache, on rampe, on avale, on se donne du mal à tenir debout.
On regarde en face, et le danger passe, alors y a qu'a tendre le cou.
De l'autre côté de la frontiêre,
Où les bananiers sont tombés,
On trouve des casques et des civières,
Les jeeps des brancardiers.
On est tous pareils, on n'a rien d'autre à faire
Que d'écrire sur un bout d'papier
La vie qu'on mène à l'autre bout d'la terre
Pendant qu'on voit les bombes tomber
Mais, de l'autre côté de le riviêre,
T'as des hommes qui mangent des chiens,
Des femmes qu'ont peur de la lumière,
Qu'ont plus de lait dans les seins.
On s'dépêche, on arrive et on passe devant.
Y a p'être quelque chose à voir.
On s'arrête au bord du trou brûlant.
T'as quelqu'un qui vend à boire.
On enfile le manteau rouge, et les arbres bougent et le ciel va tomber.
On sait pas demain, quel jour, quelle heure, ça va s'arrêter.
On se cache, on rampe, on avale, on se donne du mal à tenir debout.
On regarde en face, et le danger passe, alors y a qu'a tendre le cou
Mais de l'autre côté de la frontiêre,
Où les bananiers sont tombés
On n'a pas toujours de la biêre.
On s'demande c'qui s'est passé.
Mais, ferme les yeux, éteint la p'tite lumière,
Qu'on se souvienne plus de rien,
Ni des femmes tombées dans les rizières,
Ni les enfants morts de faim.
Un jour dans un fauteuil avec un cigare
'Bord de la Méditerranée,
T'as des tas d'gens qui viendrons pour me voir
Pour me d'mander de raconter
Mais y aura rien de plus pourri que ma mémoire.
Je n'saurai même plus compter.
Ma vie s'ra plus qu'un grand trou noir
Avec des cadavres enterrés.
On enfile le manteau rouge...